Examen des communications relatives aux droits de l'homme dans les domaines de compétence de l'UNESCO (Procédure 104)

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Dernière mise à jour23 février 2024

Introduction

Aux termes de l'article 1er de son Acte Constitutif, le but de l'UNESCO est de “contribuer au maintien de la paix et de la securité resserrant, par l’éducation, la science et la culture, la collaboration entre nations, afin d’assurer le respect universel de la justice, de la loi, des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de la langue ou de religion, que la Charte des Nations Unies reconnait à tous les peuples”.

Ayant à l'esprit les compétences et le rôle assignés à l'UNESCO dans le domaine des droits de l'homme, le Conseil exécutif a décidé, en 1978, à l'occasion du 40e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, de mettre en place une procédure spécifique pour l'examen de communications individuelles relatives aux violations alléguées des droits de l'homme dans ses domaines de compétence. Cette procédure est définie dans la Décision 104 EX/3.3 du Conseil exécutif et est connue sous le nom de "Procédure 104".

Le Comité CR a été chargé de ce mandat. Il examine les communications reçues par l'Organisation à chaque session ordinaire du Conseil exécutif et adopte des décisions en vue de contribuer à la recherche d'une solution amiable destinée à faire avancer la promotion des droits de l'homme relevant des domaines de compétence de l'UNESCO.

La procédure 104 se caractérise par sa stricte confidentialité et a grandement contribué à faire progresser le mandat de l'UNESCO dans le domaine des droits de l'homme.

Objet de la Procédure 104

Cette procédure a pour objet de rechercher une solution amiable aux cas qui sont portés à l’attention de l’UNESCO : 

  • en établissant le dialogue avec les gouvernements concernés par les cas pour examiner avec eux en toute confidentialité ce qui pourrait être fait aux fins de promouvoir les droits de l’homme relevant de la compétence de l’Organisation ; 

  • en agissant « dans un esprit de coopération internationale, de conciliation et de compréhension mutuelle ; et rappelant que l’UNESCO ne peut pas jouer le rôle d’un organisme judiciaire international » (paragraphe 7 de la décision 104 EX/3.3). 

Spécificités de la Procédure 104

La Procédure 104 présente des caractères spécifiques qui la distingue d'autres procédures relatives aux droits de l'homme existant au sein du système des Nations Unies: 

  • Elle n'est pas d'origine conventionnelle et a été définie par une décision du Conseil exécutif ; 

  • Les communications concernant des violations alléguées des droits de l'homme peuvent viser n'importe quel Etat membre de l'UNESCO, qu'il soit ou non partie à un traité spécifique relatif aux droits de l'homme ;

  • Le caractère individuel des communications est préservé tout au long de la procédure, c'est-à-dire qu'elles sont circonscrites au fond et ne sont pas considérées comme une source d'informations se rapportant à une situation plus large de violations systématiques et flagrantes des droits de l'homme ;

  • L'auteur de la communication comme l'Etat membre concerné ont la possibilité de présenter leurs arguments dans un cadre confidentiel et cette confidentialité est maintenue tout au long de la procédure, y compris s'agissant de la décision finale ;

  • La procédure n'est ni judiciaire ni quasi-judiciaire : elle vise à contribuer à apporter une solution amiable à la situation de la victime alléguée afin de faire avancer la promotion des droits de l'homme, en évitant toute situation conflictuelle et accusatoire ou condamnation du gouvernement concerné.

Rôle du Directeur général dans le cadre de la Procédure 104

La procédure 104 confirme le rôle que le Directeur général de l'UNESCO a toujours joué en ce qui concerne la promotion des droits de l'homme et notamment son droit d'intercession tel que reconnu par la Conférence générale (résolution 19 C/12.1). A plusieurs reprises, le Directeur général a eu l'occasion d'effectuer personnellement diverses démarches humanitaires en faveur de victimes alléguées de violation de droits de l'homme dans les domaines de compétence de l'UNESCO dont le cas requérait un examen urgent. 

Questions fréquemment posées

Une communication soumise dans le cadre de la Procédure 104 peut être présentée à l'UNESCO par tout individu, groupe d'individus et  organisation non gouvernementale concernant des violations des droits de l'homme entrant dans les domaines de compétence de l'UNESCO. L'auteur de la communication doit être lui-même victime de telles violations ou être une personne ou une organisation ayant une connaissance digne de foi de telles violations.

Toute personne qui est victime d'une violation des droits de l'homme pour avoir exercé un ou plusieurs droits relevant de la compétence de l'UNESCO, notamment dans les domaines de l'éducation, de la science, de la culture ou de la communication. Cela inclut les enseignants, les étudiants, les chercheurs, les artistes, les écrivains, les journalistes ; en somme les intellectuels qui, de par leurs fonctions, relèvent des domaines de compétence de l'UNESCO. Cependant, c'est l'activité reprochée à la victime alléguée, et non nécessairement son statut, qui est déterminante pour déterminer si une communication est recevable.

Les droits relevant de la compétence de l'UNESCO sont pour l'essentiel les suivants (chaque article cité ci-dessous se réfère à la Déclaration
universelle des droits de l'homme ; les droits visés figurent également dans les Pactes relatifs aux droits de l'homme de 1966 adoptés par l'Assemblée générale des Nations Unies) :

  • le droit à l'éducation (article 26) ;

  • le droit de bénéficier des progrès scientifiques (article 27) ;

  • le droit de participer librement à la vie culturelle (article 27) ;

  • le droit à l'information, y compris la liberté d'opinion et d'expression (article 19).

Ces droits pourraient impliquer l'exercice d'autres droits de l'homme, parmi lesquels :

  • le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (article 18) ;

  • le droit de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen que ce soit (article 19) ;

  • le droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique (article 27) ; 

  • le droit à la liberté de réunion et d'association (article 20) pour les activités liées à l'éducation, à la science, à la culture et à l'information.

Une lettre doit être adressée au Directeur de l'Office des normes internationales et des affaires juridiques de l'UNESCO (7 place de Fontenoy, 75352 Paris 07 SP, France). Cette lettre doit contenir les allégations concernant les droits de l'homme brièvement exposées. Elle doit également être signée et rédigée dans l'une des langues de travail de l'Organisation (anglais ou français). Après réception de la lettre et à condition qu'elle ne soit pas manifestement considérée comme tombant hors du champ de la Procédure 104, le Secrétariat de l'UNESCO fera parvenir à l'auteur de la lettre un formulaire, que celui-ci devra remplir et retourner à l'UNESCO. Celui-ci constitue la communication formelle qui sera examinée par le Comité CR.

Dès réception du formulaire rempli, le Secrétariat accuse réception de la communication, qui est transmise au gouvernement concerné qui peut apporter toute réponse qu'il souhaite fair. La communication, accompagnée de la réponse du gouvernement concerné et de toute information complémentaire que l'auteur de la communication aura pu fournir, est transmise au Comité CR pour examen.

Le Comité CR examine les communications à huis clos, en général deux fois par an durant les sessions de printemps et d'automne du Conseil exécutif.

Le Comité CR examine tout d'abord la recevabilité des communications. Il y a dix conditions de recevabilité ; si l'une d'elle n'est pas remplie, aucune suite n'est donnée à la communication. Ensuite, le Comité CR procède à l'examen au fond de la communication. Par les décisions qu'il prend, le Comité CR cherche à apporter une solution amiable à la situation de la victime alléguée dans le but de faire avancer la promotion des droits de l'homme. Le Comité n'étant en aucune manière un tribunal international, il s'efforce de résoudre le problème dans un esprit de coopération internationale, de dialogue, de conciliation et de compréhension mutuelle.

Dans son examen de la communication, le Comité CR prend en considération toute la documentation dont il est saisi. Les
représentants du gouvernement concerné sont invités à fournir des informations et à répondre aux questions posées par les membres du
Comité sur la recevabilité ou le bien fondé de la communication. 

A chaque session, le Comité CR soumet au Conseil exécutif des rapports confidentiels concernant l'examen des communications, ceux-ci sont examinés par le Conseil exécutif lors de sessions privées.

Si nécessaire, le Comité CR peut décider de poursuivre l'examen d'une communication lors d'une session ultérieure, en demandant à l'auteur de la communication et au gouvernement concerné de fournir des informations complémentaires. 

Après la session au cours de laquelle une communication est examinée par le Comité, l'auteur de celle-ci et le gouvernement concerné par elle sont informés des décisions du Comité, qui ne sont pas suscetibles d'appel. Toutefois, le Comité peut accepter d'examiner à nouveau une communication s'il reçoit des informations complémentaires ou de nouveaux éléments.

Le paragraphe 14(a) de la Décision 104 EX/3.3 énumère dix conditions, qui doivent toutes être remplies afin que la communication soit considérée comme étant recevable, à savoir :

(i) la communication ne doit pas être anonyme ;

(ii) la communication doit émaner d'une personne ou d'un groupe de personnes qui peuvent être raisonnablement présumés victimes d'une violation alléguée de l'un des droits de l'homme mentionnés au paragraphe (iii) ci-dessous. Elle peut aussi émaner de toute personne ou groupe de personnes ou organisation non gouvernementale qui a une connaissance digne de foi desdites violations ;

(iii) la communication doit se rapporter à des violations de droits de l'homme qui relèvent de la compétence de l'UNESCO dans les domaines de l'éducation, de la science, de la culture et de l'information et ne doit pas être motivée exclusivement par des considérations d'un autre ordre ; 

(iv) la communication doit être compatible avec les principes de l'Organisation, la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l'homme, les pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme et les autres instruments internationaux concernant les droits de l'homme ;

(v) la communication ne doit pas être manifestement mal fondée et doit paraître contenir des éléments de preuve pertinents ;

(vi) la communication ne doit être ni injurieuse, ni constituer un abus du droit de présenter des communications. Cependant, une telle communication pourra être examinée, si elle répond aux autres critères de recevabilité, une fois que les termes injurieux ou abusifs auront été écartés ;

(vii) la communication ne doit pas être fondée exclusivement sur des renseignements diffusés par les moyens de grande information ; 

(viii) la communication doit être présentée dans un délai raisonnable à partir de la date des faits qui en constituent l'objet, ou de la date à laquelle ces faits auront été connus ;

(ix) la communication doit indiquer si un effort a été fait afin d'épuiser les voies de recours internes disponibles concernant les faits qui constituent l'objet de la communication, ainsi que les résultats éventuels de tels efforts ;

(x) les communications relatives à des problèmes qui ont déjà été réglés par les Etats intéressés conformément aux principes relatifs aux droits de l'homme énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans les pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme ne seront pas examinées.

La confidentialité est considérée comme indispensable au succès de l'action du Comité CR dans le cadre de la procédure 104. Pour cette raison, l'auteur de la communication est tenu de maintenir la plus stricte confidentialité de l'ensemble de la procédure, y compris de toutes les communications envoyées à l'UNESCO et reçues de celle-ci concernant les travaux du Comité CR. Le non-respect par l'auteur de la confidentialité de la procédure peut conduire le Comité à décider que la soumission de communications constitue un abus de droit aux termes du paragraphe 14(a)(vi) de la décision 104 EX/3.3 et à radier le communication de sa liste.

 

Pour plus d'informations sur la procédure 104, vous pouvez consulter la publication officielle du Comité sur les conventions et recommandations ici.

 

Quelques statistiques sur la Procédure 104

De 1978 à octobre 2023, 618 communications ont été examinées par le Comité CR au titre de la Procédure 104, avec les résultats suivants : 

  • Dans 241 cas, la (les) victime(s) alléguées ont été libérées ou acquittées ;

  • Dans 27 cas, la (les) victime(s) alléguées ont été libérées après avoir purgé leur peine ;

  • Dans 21 cas, la (les) victime(s) alléguées ont été autorisées à quitter l’État concerné ;

  • Dans 35 cas, la (les) victime(s) alléguées ont été autorisées à rentrer dans l’État concerné ;

  • Dans 31 cas, la (les) victime(s) alléguées ont pu retrouver leur emploi ou activité ;

  • Dans 14 cas, la (les) victime(s) alléguées ont pu reprendre une publication ou une émission interdite ;

  • Dans 5 cas, la (les) victime(s) alléguées ont pu retrouver une vie normale suite à la suppression de menaces ;

  • Dans 16 cas, la (les) victime(s) alléguées ont pu bénéficier de la modification de certaines lois discriminatoires dans le domaine de l’éducation envers des minorités ethniques ou religieuses ;

  • Dans 12 cas, la (les) victime(s) alléguées ont pu bénéficier de l’octroi de passeports et/ou de bourses, ou dela délivrance des diplômes ; 

  • Dans 12 cas, la (les) victime(s) alléguées ont étéont pu reprendre leurs études.

Au total, 414 communications ont été réglées par le Comité CR. Les 204 cas restants concernent des communications irrecevables ou dont l’examen est en suspens ou en cours devant le Comité CR.