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Histoire

De jeunes scientifiques prélèvent des échantillons d'eau de mer à la recherche d'espèces marines vulnérables dans les Terres et mers australes françaises

En décembre 2022, de jeunes scientifiques de l’Institut polaire Paul-Émile Victor (IPEV) et des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) ont participé, sur l’archipel Kerguelen, à la campagne d'échantillonnage d’ADN environnemental (ADNe) organisée par l'UNESCO. Ce projet, mis en œuvre à l’échelle mondiale dans plusieurs sites du patrimoine mondial marin, vise à améliorer les connaissances et mesurer les effets du changement climatique sur les espèces qui peuplent les océans.

Dans les eaux riches et tumultueuses des quarantièmes rugissants et des cinquantièmes hurlants, des agents des TAAF et de l’IPEV ont réalisé des prélèvements dans les eaux bordant plusieurs sites de l’archipel Kerguelen, un des trois districts de la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises, qui fait partie du site des Terres et mers australes françaises, inscrit sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2019.

La baie des Swains, premier site échantillonné, est accessible après cinq heures de marche et l’ascension du volcan du diable culminant à 315 mètres, offrant un panorama sur les fjords du sud-est de l’archipel. Accueillis par les éléphants de mers curieux, les scientifiques ont procédé aux prélèvements d’eau depuis le rivage. Située à l’extérieur du golfe du Morbihan, la baie des Swains bénéficie d’une ouverture sur l’océan Austral tout en constituant une importante zone de nourricerie et d’alimentation pour de nombreuses espèces marines.

Le deuxième site échantillonné, l’île Haute, située dans le golfe du Morbihan, est accessible via « L’Aventure II », navire amiral de la flotte de Port-aux-Français, qui transporte les scientifiques sur leurs lieux de travail, à travers tout le golfe. La présence de dauphins de Commerson (Cephalorhynchus commersonii), sous-espèce endémique de Kerguelen, durant l’échantillonnage, ainsi qu’une observation de baleine franche australe (Eubalaena australis) donnent un premier indice de la richesse de la biodiversité marine présente autour de l’île.

L’ADN environnemental consiste en l’identification d’espèces à partir de l’ADN qu’elles laissent dans leur environnement. Dans les Terres et mers australes françaises, classées en réserve naturelle nationale, les opérations scientifiques se doivent d’être le moins intrusive et impactante possible pour l’environnement. L’ADNe se révèle être alors une méthode scientifique précieuse, permettant d’évaluer la biodiversité par simple prélèvement d’eau et sans avoir besoin d’extraire des organismes de leur milieu.

Les résultats obtenus par les analyses d’ADNe pourront être combinés aux écoutes acoustiques réalisées dans les espaces maritimes de ce site du patrimoine mondial et ainsi confirmer que de nombreuses espèces de cétacés visitent régulièrement les eaux côtières de l’archipel Kerguelen. Les scientifiques espèrent également que ces prélèvements d’eau, grâce à la technique de l’ADN environnemental, permettrons potentiellement de confirmer la présence d’espèces de cétacés plus discrètes et de nombreuses autres espèces marines qui s’avèrent difficile à observer de par l’immensité du site.

Les milieux encore intacts des Terres et mers australes françaises représentent de véritables observatoires du vivant, dans un contexte de changements globaux auquel l’océan Austral n’échappe pas. La méthode de l’ADNe est un outil précieux pour suivre l’état de conservation de la biodiversité marine et détecter la présence d’espèces exotiques envahissantes, sur lesquelles nous n’avons à ce stade que peu d’information.

Franck LUSTENBERGER, directeur de l’environnement des TAAF

La situation unique des Terres et mers australes françaises d’un point de vue géologique et océanographique a permis le développement d’écosystèmes marins riches et diversifiés. Les milieux côtiers attestent d’une grande diversité d’habitats et d’espèces, abritant des zones fonctionnelles essentielles pour les oiseaux et mammifères marins. Les îles sont entourées d’une large ceinture d’algues Durvilleae, suivie de peuplements denses de kelp (Macrosystis pyrifera) dont le rôle écologique est primordial, puisqu’ils jouent le rôle d’abri, de nourricerie et de zones de reproduction pour une large partie de la faune marine. Les mers australes sont ainsi fréquentées par plusieurs espèces de cétacés, dont certaines sont régulièrement observées dans les zones côtières comme le dauphin de Commerson (Céphalorynchus commersoni) ou les orques (Orcinus orca).

L'initiative ADNe de l'UNESCO est une collaboration conjointe entre la Commission océanographique intergouvernementale et le Centre du patrimoine mondial. Elle est rendue possible grâce au soutien du gouvernement de la Flandre (Royaume de Belgique) et mise en œuvre dans le cadre de la Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service du développement durable (2021-2030).

À propos du site du patrimoine mondial des Terres et mer australes françaises

Les Terres et mers australes françaises englobent les plus grandes des rares terres émergées du sud de l’océan Indien : l’archipel Crozet, les îles Kerguelen, Saint-Paul et Amsterdam, ainsi que 60 petits îlots situés dans la zone subantarctique. Cette « oasis » au cœur de l’océan Austral, qui couvre une superficie de plus de 67 millions d’hectares, abrite l’une des plus fortes concentrations d’oiseaux et de mammifères marins au monde. On y trouve notamment la plus grande population de manchots royaux et d’albatros de Carter du monde. Du fait de leur éloignement des centres d’activités humaines, ces îles sont des vitrines extrêmement bien préservées de l’évolution biologique et constituent un terrain unique pour la recherche scientifique.