Actualité

Ingrid Daubechies : une révolution mathématique pour la compression de données

Les travaux novateurs de la Pr. Daubechies sur la théorie des ondelettes ont transformé le traitement numérique des images et des signaux, en fournissant des algorithmes standard et flexibles pour la compression des données. Ses recherches ont catalysé de nombreuses innovations, conduisant au développement de  méthodes de traitement et de filtrage d’images utilisées dans les technologies allant de l’imagerie médicale à la communication sans fil.

Scientifique hors normes, elle est également engagée dans la lutte pour l’égalité des chances, l’éducation et l’accès à la science dans les pays émergents. Elle recevra le Prix 2019 L’Oréal-UNESCO pour les Femmes et la Science pour l’Amérique du Nord en reconnaissance de sa contribution exceptionnelle à la science.

Ingrid Daubechies est physicienne et mathématicienne. « En mathématiques, nous cherchons toujours à comprendre des choses magiques», dit-elle. « J’espère que mon travail contribuera également à aider les gens à voir que les mathématiques font partie de la vie de tous les jours. Le fait d’identifier des modèles et de les appliquer dans un contexte différent est très naturel, très humain. »

La Pr. Daubechies a reconsidéré des problèmes sous un jour nouveau et s’est appuyée sur les travaux fondamentaux du pionnier des ondelettes Yves Meyer pour trouver la solution ultime à la décomposition des ondelettes. Selon elle, les ondelettes se comportent comme des « blocs de construction mathématique » permettant d’extraire les éléments essentiels d’images ou de signaux (selon l’échelle requise) sans perdre leur qualité. Le Pr. Meyer décrit son travail comme une « révolution ».

La décomposition des ondelettes est devenue un outil indispensable pour travailler avec les signaux, les images et la vidéo. Elle a par exemple permis la reconstruction des premières images du télescope Hubble, le partage électronique d’empreintes digitales très détaillées, la détection de faux documents, l’essor du cinéma numérique et même l’imagerie médicale. C’est aussi un composant essentiel des communications sans fil, utilisée pour compresser des séquences sonores en fichiers MP3, qui permettent de stocker et de jouer des fichiers musicaux sur des smartphones. Les scientifiques ont même utilisé la théorie mathématique des ondelettes pour détecter, en 2015, une onde gravitationnelle générée par la collision de deux trous noirs.

Née en Belgique et naturalisée américaine en 1996, la Pr. Daubechies a fait ses études et sa carrière sur deux continents. Passionnée par la façon dont les choses fonctionnent et les raisons pour lesquelles elles fonctionnent, elle a été orientée vers les sciences par ses professeurs et ses parents, et se souvient avoir été particulièrement inspirée par l’apprentissage de la réfraction de la lumière et des prismes. « J’étais absolument fascinée, et même un peu incrédule, faisant des expériences pour voir si ce que je lisais était réellement vrai », se souvient- elle. « Ce qui me motive encore aujourd’hui c’est à la fois l’émerveillement, l’admiration et la soif de comprendre. »

Au-delà de ses prouesses mathématiques, la Pr. Daubechies a contribué activement à élargir l’accès aux mathématiques et aux sciences dans les pays émergents, une cause qu’elle a défendue avec vigueur en tant que présidente de l’Union mathématique internationale de 2011 à 2014.

La Pr. Daubechies reconnaît qu’il existe encore de nombreux obstacles à l’accès d’un plus grand nombre de femmes à des carrières scientifiques, avec trop peu de modèles exemplaires et de femmes à des postes de direction. En plus de mentorer des jeunes femmes se lançant dans les sciences, elle considère qu’un changement radical de perception est nécessaire, tant en termes d’égalité des genres qu’en ce qui concerne la nature des mathématiques en tant que discipline.

« Beaucoup de gens considèrent que la vie de scientifique est plutôt austère ou qu’elle manque de créativité – ce qui n’est pas vrai du tout – et je crois que cela décourage davantage les femmes que les hommes », dit-elle.

« La diversité apporte une richesse d’idées et des manières plus surprenantes d’aborder les problèmes, ce qui est vital pour toute discipline créative, » conclut-elle. « Cette diversité est plus importante que jamais à l’heure où les scientifiques cherchent à relever les défis fondamentaux auxquels fait face la vie sur Terre. »

Le Prix L’Oréal-UNESCO pour les Femmes et la Science

Chaque année, les prix L’Oréal-UNESCO pour les Femmes et la Science récompensent cinq chercheuses exceptionnelles, issues de différentes régions du monde (Afrique et Etats Arabes, Amérique Latine, Amérique du Nord, Asie Pacifique, Europe). L’Oréal et l’UNESCO collaborent depuis plus de 20 ans pour aider davantage de femmes à accéder à l’excellence scientifique et à participer sur un pied d’égalité à la résolution des grands défis qu’affronte l’humanité. Le programme a reconnu à ce jour plus de 3 000 femmes scientifiques dans 117 pays et décerné 107 prix.

Les lauréates seront mises en lumière aux côtés de quinze jeunes talents féminins scientifiques internationaux, à l’occasion d’une cérémonie prévue le 14 mars au siège de l’UNESCO, à Paris.