Actualité

Li Beirut, 1 an après : Espoirs d’une ville qui se relève

Rétrospective 

4 août 2020 – 4 août 2021. Il y a un an, jour pour jour, une double explosion massive frappait le port de Beyrouth. Le bilan humain est lourd : plus de 200 morts, plus de 6 000 blessés et 300 000 familles sans abri. Dévastés, les quartiers de la capitale sont défigurés à des kilomètres à la ronde. Voitures calcinées, rues jonchées de verre, maisons et commerces réduits à néant, la scène apocalyptique restera gravée à jamais dans les annales de la cité, comme dans le cœur et les esprits des Libanais meurtris par la tragédie.

Très vite pourtant, l’instinct de survie et de résilience reprend le dessus. Les jeunes Libanais accourent au chevet de leur capitale, armés d’un simple balai, pour nettoyer les rues. La communauté internationale exprime sa solidarité avec le peuple libanais. Le 27 août 2020, la Directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay, lance, depuis Beyrouth, en face du port, l’initiative Li Beirut (Pour Beyrouth). Cette dernière vise à mobiliser la communauté internationale pour soutenir les efforts de reconstruction de la ville, tant dans le secteur de l’éducation que dans celui de la culture. « Beyrouth, ville-monde, ville-mémoire, ville créative, a été en quelques secondes, meurtrie dans sa chair, dans son identité profonde », déplore Audrey Azoulay dans son appel, qui marque le début d’une longue année sur le chemin de la reconstruction.  

Éducation

85 000, c’est le nombre d’élèves dont l’accès à l’éducation a été perturbé au Liban, plus de 220 écoles ayant été endommagées ou détruites par la double explosion, ainsi que 20 centres de formation professionnelle et 32 universités. Immédiatement après les explosions, à la demande du ministère libanais de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, l'UNESCO est chargée de diriger et coordonner les efforts de réhabilitation des écoles au Liban, afin d'assurer l'harmonie des interventions. À travers ce chantier, l'UNESCO cherche à soutenir le système éducatif et à assurer la continuité de l'apprentissage, d'autant plus que l'année scolaire officielle doit commencer bientôt. La réhabilitation des écoles est en effet l'une des conditions fondamentales pour l'accès à l'enseignement primaire et secondaire. Elle fait également partie du chemin de l'aide humanitaire vers un développement plus durable.

Au total, 20 écoles sur 132 écoles privées endommagées par la double explosion, sont réhabilitées par l’UNESCO grâce au soutien du fonds mondial Education Cannot Wait. Les travaux ont déjà été achevés dans 16 écoles et sont encore en cours dans 4 établissements. L'UNESCO compile également les autres besoins de ces écoles privées, comme le remplacement du matériel scolaire détruit. « La double explosion a affecté l’école à plusieurs niveaux », explique Souha Choueiri, directrice de l’école Zahrat al-Ihsan, à Beyrouth.

Au niveau matériel, tout était détruit. Il n’y avait plus de portes, ni de fenêtres, ni de pupitres, ni d’ordinateurs. Nous avons malheureusement perdu un papa et une élève parmi les 200 victimes. Par ailleurs, beaucoup d’élèves habitent aux alentours et leur matériel et équipement scolaire est devenu inutilisable. Nous n’avons pas pu reprendre les cours immédiatement. Malgré le drame, les responsables de l’UNESCO étaient là à mes côtés, dans mon bureau détruit, dès le premier jour. Sans l’UNESCO, nous n’aurions pas pu reconstruire Zahrat al-Ihsan.
Souha Choueiri, directrice de l’école Zahrat al-Ihsan, à Beyrouth

Grâce au généreux don du fonds global Education Above All, et avec le soutien du Fonds Qatar pour le développement, et d’Education Cannot Wait, l'UNESCO réhabilite également 75 écoles publiques, dont 5 lourdement endommagées, à un moment de grave crise économique et financière et où le secteur de l’éducation publique revêt une importance toute particulière. Dans le cadre de ce partenariat, 20 bâtiments de centres de formation professionnelle sont également réhabilités. Le 10 juin 2021, au Bureau de l’UNESCO à Beyrouth, l’Organisation lance dans le cadre de ce même partenariat, le projet de réhabilitation de 32 bâtiments au sein de trois universités prestigieuses, l’Université libanaise, l’Université américaine de Beyrouth et l’Université Saint-Joseph de Beyrouth.

L'excellent travail que vous faites pour sauver le patrimoine du Liban rend hommage non seulement à son histoire, mais il crée également un espoir bien nécessaire dans ce pays, il nous rappelle que la résilience et la continuité sont possibles après tout. Immédiatement après l'explosion tragique du port de Beyrouth, l'UNESCO s'est empressée de procéder à des évaluations rapides et de lancer le processus de sauvetage dans différents quartiers de Beyrouth. Les fruits de ces travaux sont de plus en plus visibles aujourd'hui.
Dr Fadlo Khuri, président de l'Université américaine de Beyrouth

Dans sept bibliothèques scolaires de la capitale, l’UNESCO exécute des travaux de restauration, elle se charge aussi de la formation de bibliothécaires et enseignants et de la collecte de livres, en partenariat avec Lebanese Board on Books for Young people (LBBY). 1 800 enfants âgés de 3 à 11 ans bénéficieront bientôt de ces nouvelles bibliothèques.

Patrimoine

Ville millénaire, Beyrouth est un véritable phare culturel de la Méditerranée. Ses quartiers historiques témoignent d’un passé riche en civilisations qui ont toutes laissé leurs marques dans les ruelles de la ville d’aujourd’hui. La double explosion du port a endommagé quelques 640 bâtiments patrimoniaux, dont 60 de manière critique. 

L’UNESCO lance alors le pari fou de documenter au millimètre près la destruction du patrimoine culturel et architectural de Beyrouth. Financé par le Fonds d'urgence pour le patrimoine de l’UNESCO, le projet de documentation, lancé en septembre 2020, est réalisé par la start-up française ICONEM, en étroite collaboration avec la Direction générale des Antiquités (DGA) au Liban. Avec plus de 100 000 images, il aboutit à la réalisation d’un modèle géo-référencé en trois dimensions de la capitale libanaise, cruciale à plus d’un niveau dans le processus de reconstruction de la ville. Outre la documentation, le projet est également une opportunité de former de jeunes archéologues de la DGA à cet exercice périlleux. « J’essaie de ne pas penser à cette destruction massive, à tout ce qu’on vit, sinon je tomberais », confie Sarkis Khoury, directeur de la DGA. « Le jour de l’explosion, c’était comme si une véritable bombe nucléaire avait explosé au cœur de la ville. Tous les bâtiments que nous essayons de préserver depuis 20 ans n’étaient plus là ! Avec du recul, ce que nous avons pu accomplir jusque-là est un exploit, mais chaque centime, chaque aide peut compter pour la suite ». Un appel repris par Joe Kallas, jeune architecte restaurateur, qui rappelle que la restauration sera lente et dépendra du financement : « Ce secteur, c’était un peu, à Beyrouth, le dernier bastion intouché et riche en patrimoine. Si nous ne voulons pas nous retrouver avec une ville fantôme, chaque Libanais doit aider à reconstruire les bâtiments de Beyrouth, à sa manière. Pour sa ville, son tissu historique, son héritage. Aujourd’hui, c’est tout ce qu’il en reste. »

Dans les quartiers de Rmeil, Medawar et Saifi, l’UNESCO identifie les bâtiments historiques prioritaires qui risquent de s'effondrer. À ce risque s’ajoute celui de la gentrification. Le Fonds d'urgence pour le patrimoine de l’UNESCO finance alors la stabilisation de 2 bâtiments, dont la célèbre villa Boustani, maison des arts. Et avec le soutien financier de l’Allemagne, l'UNESCO réussit à stabiliser et étayer 12 de ces bâtiments. Le 29 juin 2021, l’Ambassadeur de l’Allemagne à Beyrouth, Andreas Kindl, effectue une tournée avec l’UNESCO pour évaluer le travail accompli, réitérer le soutien de l’Allemagne à l’initiative Li Beirut, et être à l’écoute des habitants. « Ma maison était tout pour moi, j’aurais préféré mourir », confie dans ce cadre Hala Boustani, une octogénaire rescapée de la double explosion, qui vivait dans l’un de ces 12 immeubles.

Aujourd’hui, j’ai un petit espoir de rentrer chez moi, et je ne veux que le strict nécessaire. Quelques meubles me suffiront…
Hala Boustani, une octogénaire rescapée de la double explosion

Le 16 mai 2021 marque une autre étape-clé du processus de reconstruction de la ville. Ce jour-là, le gouvernement italien et l'UNESCO signent un accord de financement à hauteur d'un million d'euros, pour soutenir la réhabilitation et la réouverture du musée Sursock. Situé à Achrafieh, le musée Sursock est l'un des rares monuments et témoins de l'architecture et des manoirs libanais des XVIIIe et XIXe siècles de style vénitien et ottoman à Beyrouth. Les fonds italiens seront investis sur une durée d’une année, pour contribuer à terme à la réouverture du musée au public grâce à des travaux de réhabilitation, tout en fournissant des conditions adéquates. Ils permettront de préserver le patrimoine et les collections du musée et de les mettre à la disposition du public afin qu’ils puissent jouer un rôle éducatif fondamental au sein du tissu urbain et des quartiers historiques dynamiques de la capitale. « Le musée Sursock est une institution culturelle qui sert d'espace public d'échange et de rencontre, dans une ville qui manque cruellement d'espaces publics », affirme Zeina Arida, directrice du musée.

La coopération italienne et le soutien de l’UNESCO à la reconstruction du musée sont inestimables. Ils permettront à Beyrouth et à ses citoyens de récupérer un espace devenu une deuxième maison pour tant de personnes au sein du secteur culturel et de la communauté locale dans son ensemble, un espace qui vise à promouvoir l'ouverture et à soutenir la création de connaissances.
Zeina Arida, directrice du Musée Sursock

Le patrimoine de la ville va bien au-delà de sa riche histoire et de ses nombreux sites, monuments et lieux culturels. Haut lieu de la production et de la diffusion littéraires, avec son Salon du livre francophone, Beyrouth a été désignée en 2019 par l’UNESCO Ville créative de littérature. Les membres du Réseau des Villes créatives de l'UNESCO collaborent et s’entraident, notamment dans les moments difficiles. Depuis le lancement de l’initiative Li Beyrouth, différentes Villes créatives du monde entier, notamment Buenos Aires (Argentine), Angoulême et Montréal (Canada), Sharjah (Emirats arabes unis), Llíria (Espagne), Enghien-les-Bains (France) et Zahlé (Liban) ont mis en place des initiatives de solidarité et de soutien pour appuyer Beyrouth. 

Sahar Baassiri, Ambassadrice et Déléguée permanente du Liban auprès de l'UNESCO, a remercié l'Organisation pour son rôle de premier plan dans la reconstruction de Beyrouth et le Réseau des Villes créatives pour son soutien à travers la solidarité et la coopération internationales. « Ensemble, avec vous tous, nous ferons revivre le dynamisme culturel et la créativité de notre capitale Beyrouth » a déclaré l’Ambassadrice.

Auprès des jeunes

Dans un pays déjà ébranlé par la crise sociale et économique et les effets dévastateurs de la pandémie, la double explosion du port a failli donner le coup de grâce au secteur culturel et artistique. Dans les cinémas, les galeries, les théâtres, les musées, les espaces d’apprentissage, les studios d’enregistrement et les espaces culturels, les dégâts immenses ont entraîné une paralysie de la vie culturelle à Beyrouth. Alors qu’une génération talentueuse de jeunes artistes libanais n’a plus qu’un seul espoir, celui de partir, l’UNESCO conçoit au début de l’année 2021 un projet unique pour relancer la vie culturelle : le festival TERDAD (RÉSONANCE). Il comprend 3 jours d’activités culturelles publiques au cœur de la ville, du 2 au 4 juillet 2021, dans quatre espaces emblématiques et ravagés de la ville, tel que le musée Sursock. L’événement offre un programme unique coproduit avec cinq associations culturelles locales qui proposent différentes formes d’art, grâce au soutien du Fonds d’urgence pour le patrimoine de l’UNESCO, de l’Islande, et du Koweït. TERDAD marque alors la reprise des activités créatives de la ville, si nécessaires pour retrouver un sentiment de normalité, un sens de la vie. « Nous n’avions jamais arrêté nos activités en 15 ans, jusqu’au 4 août 2020, quand nos locaux, nos projets et nos rêves ont explosé », assure Omar Abi Azar, fondateur du collectif Zoukak pour le théâtre. « C’est une diversité culturelle qu’on ne peut trouver qu’au Liban qui a été touchée. L’initiative de l’UNESCO a été pour nous un cadre à cette volonté de travailler ensemble en tant qu’institutions culturelles. TERDAD est une tentative de voir ce qui reste de nous, un bilan post-catastrophe ».

Alors que des événements de sensibilisation et de plaidoyer sont organisés, tels que les débats virtuels ResiliArt Liban, le 1er octobre 2020 un grand concert de soutien et de solidarité baptisé « Unis pour le Liban », est organisé en partenariat avec France Télévisions. Il présente Li Beirut à 11,1 M de téléspectateurs, et permet la levée de 75,5 M d’euros. Par ailleurs, 17 œuvres d'arts d'artistes libanais endommagées par les explosions, et qui font partie de la collection du Beirut Museum of Art, sont actuellement en cours de restauration. 

En mai 2021, dans le cadre du mandat de l’UNESCO visant à renforcer les capacités des professionnels de la presse, à lutter contre la désinformation et à garantir l’accès à l’information et la liberté d’expression, une émission de radio voit le jour à Beyrouth. Créée par l’UNESCO sur les ondes de la radio Voice of Lebanon 100.5 dans le cadre de Li Beirut, elle est baptisée « Sawt Jdid » (Nouvelle voix) et est produite et présentée par six jeunes Libanais qui n’ont qu’une seule et même envie : Parler encore et toujours de Beyrouth, raconter ses histoires panser ses plaies et accompagner ses habitants dans le long processus de relèvement, encore loin d’être abouti.

 

Ce projet bénéficie du généreux soutien des partenaires et Etats membres suivants : l’Allemagne, l’Islande, l’Italie, le Koweït, le fonds mondial Education Above All, le fonds mondial Education Cannot Wait, le Fonds Qatar pour le développement et le Fonds d'urgence pour le patrimoine de l’UNESCO.