Dakar students at the STEM awareness-raising campaign

Histoire

Comment les universités au Sénégal rendent les filles et femmes autonomes en leur transmettant des compétences et en les formant à l’entrepreneuriat

Au Sénégal, l’École supérieure polytechnique de Dakar et l’École polytechnique de Thiès prennent depuis 2022 des mesures énergiques pour encourager la participation des filles et des femmes aux STIM et favoriser le développement de leurs compétences.

« La formation en compétences techniques et en entrepreneuriat m’a aidé à me lancer comme entrepreneuse et grâce à elle, ma startup a plus de chances de réussir », indique Betty Kane, récemment diplômée du Département d’Ingénierie chimique et de Biologie appliquée de l’École supérieure polytechnique (ESP) de Dakar au Sénégal. Elle a co-fondé CHEESE'SEN, une jeune pousse produisant des « fromages made in Sénégal » et dont elle compte bien faire un chef de file mondial de l’industrie fromagère. Son entreprise a remporté le 2e prix du Salon du polytechnicien en 2021, puis le 1er prix du Challenge Entreprendre en 2022. Elle est aujourd’hui très fière d’être une ancienne élève de l’ESP et une ambassadrice de l’entrepreneuriat féminin.

Son parcours donne un aperçu des efforts menés de manière plus large par les universités sénégalaises pour rendre les filles autonomes en leur proposant un enseignement technique supérieur. Surfant sur la vague de la 4e révolution industrielle, les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques (STIM) sont devenues les forces motrices de l’innovation et de la transformation socio-économique. Cependant, malgré une hausse du taux de scolarisation des filles, des obstacles sociaux et des préjugés liés au genre découragent encore aujourd’hui les filles à poursuivre des études dans les STIM. Combler l’écart entre les femmes et les hommes dans ce domaine et promouvoir les compétences techniques et entrepreneuriales est essentiel pour aider les filles et les femmes à faire face à cette époque pleine de changements.

Faisant écho aux aspirations de l’Agenda 2063 de l’Union africaine, la phase III du Fonds-en-dépôt chinois : Un enseignement supérieur technique en Afrique pour une main-d’œuvre technique innovante (CFIT III) aide des universités en Côte d’Ivoire, en Éthiopie, au Gabon, en Ouganda, en République-Unie de Tanzanie et au Sénégal à améliorer la prise en compte du genre dans l’enseignement technique supérieur et à transmettre aux jeunes les compétences dont ils et elles ont besoin pour s’épanouir et impulser des changements profonds.

Promouvoir l’égalité de genre dans l’enseignement technique supérieur : l’action des universités sénégalaises

L’École supérieure polytechnique de Dakar (ESP) et l’École polytechnique de Thiès (EPT), deux établissements d’enseignement supérieur partenaires de la CFIT III, ont encouragé les filles à étudier les STIM en visitant des lycées et en organisant des campagnes de sensibilisation dans toutes les régions du Sénégal. Ces campagnes ont permis à des étudiants et étudiantes suivant actuellement un enseignement technique supérieur de montrer à des filles que les STIM ne sont pas réservées aux hommes. Elles ont ainsi aidé des lycéennes qui préparaient le baccalauréat à se projeter dans des études et des carrières liées aux STIM. Sur une période de 18 mois, l’initiative a concerné 113 lycées et a sensibilisé plus de 5 000 filles au Sénégal. L’ESP a encouragé davantage les filles en supprimant les droits d’inscription pour les meilleures candidates afin de promouvoir un accès égal à l’éducation aux STIM pour les filles et les garçons.

Dans un esprit similaire, l’EPT a célébré en mai 2023 la « Journée femmes et sciences », qui a réuni des expertes de différents domaines pour discuter du rôle des femmes scientifiques et ingénieures dans l’enseignement supérieur, la recherche et la croissance socio-économique du Sénégal. L’événement s’est conclu par une remise de prix aux 20 meilleures lycéennes de Thiès, afin de les encourager à se lancer dans le monde des sciences et de la technologie. 

senegal student receiving awards of excellence at EPT
Une lycéenne recevant un prix d’excellence à l’EPT.

Au niveau institutionnel, les universités ont renforcé leurs cadres politiques et réglementaires pour promouvoir l’égalité de genre dans l’enseignement des STIM et mieux soutenir la formation des étudiants et des étudiantes. L’ESP a par exemple organisé en juillet 2022 un atelier visant à établir une politique d’égalité de genre au sein de l’établissement. Cet atelier a permis d’adopter 18 recommandations pour améliorer l’égalité de genre parmi les élèves et les enseignants, telles que la remise de prix d’excellence aux meilleures étudiantes, des services tenant compte du genre pour promouvoir la réussite des étudiantes et des ateliers de développement personnel s’adressant spécifiquement aux femmes.

Dans leurs efforts pour rendre autonomes les femmes par la transmission de compétences, les deux universités ont mis l’accent sur l’entrepreneuriat et le développement de compétences innovantes. Ce sont en effet ces compétences qui sont nécessaires pour la formalisation de l’économie informelle, un secteur qui emploie 9 travailleurs sur 10 au Sénégal. La formation à l’entrepreneuriat prépare les femmes à occuper des postes à responsabilité dans les STIM et ainsi à jouer le rôle de catalyseurs pour transformer l’économie informelle en faveur du développement durable. Chaque année, l’ESP organise le « Salon du polytechnicien » et le « Challenge Entreprendre ». Ces deux événements, lors desquels des équipes pluridisciplinaires doivent concevoir des services ou des produits innovants, visent à encourager l’esprit d’entreprise des étudiants et étudiantes. 

Poursuivre les efforts pour faire advenir une vraie transformation

Tandis que d’anciennes élèves comme Betty Kane continuent de connaître le succès, l’impact de leurs parcours va bien au-delà des salles de classe : elles démontrent tout le potentiel que les filles et les femmes peuvent mobiliser lorsqu’elles ont accès aux compétences et aux débouchés appropriées. 

En outre, la promotion du développement de compétences entrepreneuriales dans l’enseignement technique supérieur encourage les étudiantes, qui n’étaient autrefois perçues que comme de simples exécutantes techniques, à devenir des entrepreneuses et des créatrices d’emplois, jouant ainsi le rôle d’actrices du changement. 

En élaborant des politiques en faveur de l’égalité de genre et en organisant des initiatives qui ont atteint des milliers de jeunes filles au Sénégal, l’EPT et l’ESP ont montré l’exemple en matière d’inclusivité et de promotion du changement. Mme Sagna Awa Ndiaye, directrice du Centre de formation aux métiers portuaires et à la logistique de l’ESP, résume ainsi l’impact de ces mesures : « Nous assistons aujourd’hui à une transformation profonde de nos sociétés : les barrières qui existaient autrefois entre les domaines réservés aux hommes et ceux réservés aux femmes sont en train de tomber. Désormais, les femmes prennent la place qui leur est due dans les STIM, des domaines considérés autrefois considérés comme masculins, et elles y excellent. » 

En partenariat avec le projet UNESCO-CFIT III, l’École supérieure polytechnique de Dakar et l’École polytechnique de Thiès sont déterminées à multiplier les initiatives pour continuer d’aider les femmes et les filles à exceller dans les STIM et à ouvrir la voie à un avenir inclusif et prospère pour le Sénégal et le continent africain dans son ensemble.