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Des données de meilleure qualité sur le genre et l’éducation pour orienter les actions

L’importance d’assurer la comparabilité, la cohérence et l’intersectionnalité des données était au cœur des discussions menées lors de l’évènement intitulé « Des données de haute qualité sur l’égalité des genres dans et à travers l’éducation » qui s’est tenu en marge de la première Conférence sur les données et statistiques de l’éducation organisée par l’UNESCO du 7 au 9 février 2024.
girls education

Justine Sass, cheffe de la section de l’éducation pour l’inclusion et l’égalité des genres, a souligné le besoin « de plus de données ventilées par sexe et intersectionnelles, suffisamment détaillées et comparables au niveau local, régional, national et mondial pour comprendre de quelle manière les normes, les attentes et les structures de genre influencent l’accès à l’éducation, le maintien à l’école et les résultats scolaires de toutes les personnes ». 

Comprendre la dimension genrée des inscriptions, de l’apprentissage et de la réussite à différents niveaux d’éducation est essentiel pour pouvoir prendre des mesures efficaces contre les inégalités. « Nous enregistrons de forts taux d’abandon scolaire, en particulier chez les garçons. Les filles surpassent les garçons, nous sommes en train de perdre ces derniers », a déclaré Phillipa Livingston, statisticienne principale du ministère de l’Éducation de la Jamaïque. Ce pays prend actuellement des mesures pour rendre l’éducation plus accessible et assurer l’égalité des apprenants, notamment en offrant une aide à la nutrition et en révisant ses programmes d’enseignement.

Manos Antoninis, directeur du Rapport mondial de suivi sur l’éducation, a noté que les indicateurs de l’Objectif de développement durable 4 concernant l’éducation inclusive et l’apprentissage tout au long de la vie prennent en considération le genre, mais qu’ils ne sont pas ventilés par des caractéristiques intersectionnelles et qu’ils peuvent donner des informations trompeuses en raison de failles dans leur méthodologie. « Bien que, dans tous les pays, les filles surpassent les garçons en matière de compétence minimale de lecture à l’adolescence, cet écart s’inverse lorsqu’on regarde l’alphabétisation des adultes, ce qui remet en question sa signification réelle », a-t-il ainsi expliqué. 

« Nous devons réunir des informations de types très différents, qui sont habituellement étudiées de manière séparée. En les rassemblant, nous obtiendrons un tableau beaucoup plus complet de la situation », a ajouté Elaine Unterhalter, professeur d’éducation et de développement international à l’Institute of Education de l’University College London.

« Nous avons besoin de données comparables et collectées de préférence, mais pas obligatoirement, par les pays. Or tous les pays n’utilisent pas le même type de données et d’enquêtes. En outre, de nombreux pays n’ont pas les ressources et les capacités nécessaires pour générer des données fiables et ont besoin d’un soutien financier et technique pour garantir l’efficacité de leur collecte des données et de leurs systèmes de suivi et d’évaluation », a déclaré Manos Antoninis.

Renforcer les capacités des pays

Des données et des informations de bonne qualité et à jour sont essentielles pour l’élaboration et la planification de politiques ainsi que pour le déploiement d’interventions stratégiques visant à faire progresser l’égalité des genres dans et à travers l’éducation. Elles peuvent aider les pays à détecter et à analyser des schémas et des tendances genrées et à mieux planifier et cibler les ressources en conséquence.

L’Institut de statistique de l’UNESCO (ISU) et l’équipe du Rapport mondial de suivi sur l’éducation (GEM) aident les pays à définir des points de référence nationaux pour l’ODD 4, c’est-à-dire des objectifs nationaux devant permettre d’atteindre cet ODD. Le processus d’établissement des points de référence a permis de constater que l’égalité était le deuxième indicateur que les pays suivaient le moins. Seuls 36 % des pays ont réussi à établir un point de référence en la matière. Pour 27 % des pays, la difficulté réside dans le manque de données.

L’Institut de statistique de l’UNESCO (ISU) et l’équipe du Rapport mondial de suivi sur l’éducation (GEM) aident les pays à définir des points de référence nationaux pour l’ODD 4, c’est-à-dire des objectifs nationaux devant permettre d’atteindre cet ODD. Le processus d’établissement des points de référence a permis de constater que l’égalité était le deuxième indicateur que les pays suivaient le moins. Seuls 36 % des pays ont réussi à établir un point de référence en la matière. Pour 27 % des pays, la difficulté réside dans le manque de données.

inequality dimensions indicators miss

La Gambie par exemple a suivi le processus d’établissement des points de référence défini par l’ISU et le GEM. Alpha Bah, chef des unités EMIS et TIC au ministère de l’Éducation de base et secondaire de Gambie, a présenté en détail ce travail. « Nous voulions étudier les questions de genre au-delà de la simple parité entre les genres et coordonner nos systèmes de données grâce à une approche systématique. La plus grande difficulté que nous avons dû surmonter était la qualité des données. Pour atteindre notre but, nous avons collaboré avec d’autres secteurs et d’autres ministères, nous nous sommes concentrés sur la granularité des données en passant de données agrégées à des données individuelles et nous nous sommes intéressés non seulement aux données quantitatives, mais aussi aux données qualitatives. »

La réunion a aussi été l’occasion de présenter plusieurs initiatives en cours visant à trouver des solutions grâce à l’innovation. Un des exemples présentés était celui de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), qui aide les pays à utiliser des enquêtes sur les ménages, des enquêtes économiques et d’autres outils pour comprendre les aspects socioéconomiques de l’accès à l’éducation, du maintien à l’école et des résultats scolaires. « Les enquêtes nous donnent un éventail d’informations sur les revenus et les dépenses, l’utilisation du temps et d’autres caractéristiques des ménages au niveau infranational qui ont une incidence sur les résultats éducatifs, qu’on peut ensuite recouper avec des informations comme le genre, la localisation et l’appartenance ou non à un peuple indigène, par exemple », a expliqué Rolando Ocampo Alcántar, directeur de la division des statistiques de la CEPALC.

Une autre des initiatives innovantes présentées permettant d’augmenter la quantité de données de bonne qualité était l’initiative Bridging Accountability for Gender Equality in Education (AGEE), dirigée par l’University College London (UCL). Lancée en 2015, l’AGEE vise à remédier aux lacunes en matière de collecte et d’analyse de données entre les niveaux mondial, national et local en détectant les données manquantes et en utilisant des méthodes participatives pour collecter et analyser celles-ci. De nouveaux travaux sont en cours en Indonésie, au Kenya et au Malawi en coopération avec l’UCL et l’UNESCO pour renforcer les capacités, mesurer ce qui est important, et élargir les systèmes de données au moyen de processus équitables et inclusifs.

Le tableau de bord mondial de la responsabilité (Global Accountability Dashboard) a également été présenté pendant la réunion. Cette initiative suit les progrès par rapport à des indicateurs clés sur l’éducation de nature à transformer les rapports femmes-hommes définis par le Sommet sur la transformation de l’éducation. Lancé en octobre 2023 et hébergé sur le site Web de l’Evidence for Gender and Education Resource (Ressource documentaire pour le genre et l’éducation) du Conseil de la population, le tableau de bord présente les profils de 193 pays et recense plus de 900 programmes et autres travaux. Il continuera de suivre les progrès en matière d’égalité des genres jusqu’en 2027. Le tableau de bord fait partie de la Plate-forme mondiale pour l’égalité des genres et l’autonomisation des filles et des femmes dans et par l’éducation, un forum multipartite qui inclut des représentants de gouvernements, des décideurs politiques, des partenaires, des défenseurs des droits et un large éventail d’autres acteurs. 

« Le tableau de bord recense qui fait quoi où, ce qui fonctionne ainsi que les besoins et leur localisation précise », a expliqué Nicole Haberland, associée principale et directrice du pôle d’innovation sur le genre, l’éducation, la justice et l’équité au Conseil de la population.

 

La Conférence sur les données et statistiques de l’éducation, organisée par l’Institut de statistique de l’UNESCO (ISU), s’est tenue cette semaine au Siège de l’UNESCO. Elle a été l’occasion d’étudier les lacunes dans les données mondiales et de présenter des solutions à ce problème. Elle visait à créer une communauté internationale de pratique parmi les statisticiens de l’éducation, à parvenir à un consensus sur les concepts, les définitions et les méthodologies et à débattre de l’impact des technologies sur les statistiques de l’éducation. L’ISU et l’équipe du Rapport mondial de suivi sur l’éducation ont également profité de la Conférence pour lancer la deuxième édition du tableau de bord pour l’ODD 4, qui permet de consulter pour chaque pays les progrès réalisés vers les points de référence nationaux pour l’ODD 4 ainsi que les lacunes en matière de données.