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Dites non à la discrimination dans l’éducation, rejoignez la Convention de 1960 pour son 60ème anniversaire

Stefania Giannini, Sous-Directrice générale de l’UNESCO pour l’éducation

Le droit à l’éducation est de plus en plus menacé aujourd’hui, c’est pourquoi il doit être soutenu par tous les moyens – juridiques, financiers, sociaux et politiques.

Les instruments juridiques internationaux comptent. Ils peuvent ouvrir la voie et faire tomber les obstacles nationaux susceptibles de justifier la violation des droits humains fondamentaux – y compris le droit à l’éducation.  

Adoptée il y a exactement 60 ans par la Conférence générale de l’UNESCO, la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement en est un bon exemple. Il n’est peut-être pas notoire qu’elle a été le tout premier et le seul traité international juridiquement contraignant, consacré exclusivement au droit à l’éducation.

Elle a été ratifiée à ce jour par 106 pays. Ce n’est pas suffisant. Nous devons œuvrer en faveur de sa ratification universelle car l’égalité des chances pour tous dans le domaine de l’éducation est une condition de la réalisation de l’ensemble de l’Agenda 2030 et de la construction des sociétés plus inclusives et plus justes. Près de 260 millions d’enfants sont privés de leur droit à l’éducation, une crise exacerbée par la COVID-19 et qui frappe le plus durement les jeunes les plus vulnérables et marginalisés du monde, avec des conséquences pour toute la vie.

La ratification de la Convention déclenche des mesures nationales visant à accroître la justice sociale, créant des conditions plus favorables à l’égalité des chances. En ce sens, elle profite aux sociétés toutes entières. On trouve au cours des six dernières décennies de nombreux exemples illustrant ce cercle vertueux, qui vont des amendements constitutionnels, de l’adoption de lois pour lutter contre la discrimination, jusqu’à l’adoption de politiques éducatives nationales visant à promouvoir l’accès des groupes les plus vulnérables. La réforme et les cadres législatifs peuvent lever les barrières de l’injustice et être transformationnels, ouvrant la voie à l’éducation afin qu’elle atteigne ceux qui en ont le plus besoin et qu’elle soit porteuse de valeur pour tous.

Mais cela non plus ne suffit pas. Le test réside dans la mise en œuvre – dans quelle mesure les pays fournissent un enseignement gratuit et obligatoire et garantissent l’égalité des chances, entre autres dispositions de la Convention. Le handicap, la langue, le genre, l’ethnicité, la pauvreté et le déplacement, entre autres, continuent de violer le droit à l’éducation. Et à l’ère de la COVID-19, le manque de connectivité est devenu un facteur d’exclusion de premier plan. Un tiers des élèves n’ont pas pu accéder aux solutions d’apprentissage à distance, tandis que 40 % des pays les plus pauvres n’ont pas pu aider les plus défavorisés à apprendre pendant la fermeture des établissements scolaires.

Cela nécessite une réflexion sur l’élargissement du champ d’application du droit à l’éducation, en s’appuyant sur les connaissances acquises au cours des dernières décennies et sur l’évolution des modèles de croissance. Nous soutenons que le droit à l’éducation devrait englober le niveau pré-primaire, parce que l’investissement dans les premières années est le moyen le plus efficace de lutter contre les inégalités, ainsi que les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie, parce que nos sociétés sont de plus en plus fondées sur le savoir et tirées par les progrès rapides de la technologie. Offrir des possibilités d’apprendre tout au long de la vie et changer de parcours professionnel n’est pas un luxe, ce devrait être un droit. Enfin, le droit à l’éducation est devenu de plus en plus dépendant de la connectivité, faisant de l’inclusion numérique une clé pour ne laisser personne de côté.

Notre campagne « Non à la discrimination dans l’éducation » vise à sensibiliser au pouvoir de la Convention de 1960, à renforcer sa mise en œuvre et son suivi, et elle invite à une conversation mondiale sur la nature évolutive du droit à l’éducation et les dangers mondiaux qui menacent ce droit. Le changement climatique, le déplacement, la migration et l’extrémisme violent sont autant de facteurs qui peuvent déraciner prématurément l’éducation et briser un parcours éducatif. Un échafaudage juridique solide est une condition préalable pour faire en sorte que les systèmes éducatifs sont implantés dans un terrain plus solide, plus juste et plus inclusif.

Au cours de la dernière décennie, un nombre croissant de pays s’est engagé dans un processus de ratification de la Convention de 1960 – preuve de sa pertinence et de sa puissance. Nous devons capitaliser sur cet élan, renforcer encore davantage le droit à l’éducation et protéger les apprenants. Chaque cible de l’Agenda Éducation 2030 est basée sur l’interdiction de toutes les formes de discrimination et sur la lutte contre les inégalités dans l’accès, la participation et l’apprentissage à tous les niveaux – c’est-à-dire sur la promotion d’une éducation véritablement inclusive pour tous.

 « De toutes les formes de discriminations, celles qui s’exercent dans le domaine de l’enseignement sont les plus pernicieuses – parce qu’elles atteignent l’individu et la société dans ce qu’ils ont de plus essentiel : la formation de l’esprit – et les plus détestables – parce que leurs victimes sont d’abord et surtout des enfants ».

Ces mots, rédigés il y a soixante ans lors de l’adoption de la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement, résonnent aujourd’hui avec une pertinence glaçante. L’adoption de cette Convention est une étape essentielle pour mettre l’éducation sur la voie de l’inclusion – un chemin ancré dans la réalisation du droit fondamental à l’éducation.