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Musique, art et témoignages de survivants : l’UNESCO commémore la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste

L’UNESCO a marqué la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste par une série d’événements organisés à son Siège à Paris le 25 janvier 2024. La commémoration de cette année visait à réfléchir à l’héritage universel de l’Holocauste à travers la musique, l’art et les témoignages de survivants.
Holocaust remembrance day 2024

« Toute paix durable est impossible sans une détermination sincère à se confronter aux épisodes les plus douloureux de notre passé. La commémoration de l’Holocauste nous oblige à ce travail de mémoire ; comme elle nous oblige, dans le même temps, au respect des droits humains et d’un ordre international bâti sur le principe fondamental de la dignité de chaque vie humaine », a déclaré la Directrice générale de l’UNESCO Audrey Azoulay à l’ouverture de la cérémonie officielle de la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste. Se sont joints à elle Francois Heilbronn, le vice-président du Mémorial de la Shoah, et la survivante de l’Holocauste Charlotte Knobloch, commissaire à la mémoire de l’Holocauste du Congrès juif mondial et présidente de la communauté juive de Munich et de Haute-Bavière. 

Holocaust remembrance day 2024

« J’ai grandi dans un monde où je n’avais pas ma place », a déclaré Mme Knobloch au cours de son vibrant témoignage au public. Charlotte Knobloch, aujourd’hui âgée de 92 ans, a été témoin de la nuit de Cristal contre les Juifs à Munich lorsqu’elle avait six ans et a vu la haine se transformer en violence et en persécutions massives. Elle a survécu à l’Holocauste sous un faux nom, cachée dans une famille de fermiers chrétiens dans la campagne allemande. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, elle consacre sa vie à diffuser au plus grand nombre possible ce message pressant : « plus jamais ça ». Mettre au point de nouvelles approches pour enseigner l’Holocauste aux jeunes générations est un élément essentiel de ce travail.

Holocaust remembrance day 2024

Comment les témoignages de survivants ont permis de découvrir la musique de l’Holocauste

Les témoignages de survivants ont joué un rôle clé dans la découverte de l’héritage musical de l’Holocauste : les chants et les mélodies que les communautés juives et les autres groupes de victimes composaient, chantaient et jouaient dans les ghettos, les camps de concentration et les camps de travail. Le compositeur, pianiste et chef d’orchestre Francesco Lotoro a passé des années à chercher ces œuvres dans toutes les grandes archives. Certaines étaient écrites sur des morceaux de papier en très mauvais état et d’autres n’existaient plus que dans la mémoire des personnes ayant survécu. 

Holocaust remembrance day 2024

La fondation de M. Lotoro, Istituto di Letterature Musicale Concentrazionaria (Institut des littératures musicales des camps de concentration), a néanmoins réussi à rassembler une collection comptant plusieurs milliers d’œuvres. Neuf d’entre elles ont été ramenées à la vie sur scène, sous la direction du maestro Lotoro, à l’occasion d’un concert émouvant au cours de la cérémonie officielle de commémoration organisée le 25 janvier 2024 au Siège de l’UNESCO. L’orchestre de musiciens et de chanteurs italiens de M. Lotoro a joué des morceaux en yiddish, en polonais et en romani. Pour certaines de ces œuvres, c’était la première fois qu’elles étaient jouées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Des extraits de témoignages vidéos enregistrés par la USC Shoah Foundation et le Musée de l’Holocauste de Montréal et qui ont permis à M. Lotoro de faire ses découvertes ont aussi été diffusés pendant le concert. 

« Il existe un proverbe en hébreu qui dit “par leur mort, ils ont conquis la vie” », a déclaré Francesco Lotoro. « Qu’ils aient ou non survécu aux camps, ces artistes nous demandent non pas de simplement vivre, mais de redonner le plus grand sens à la vie. Puisque nous n’avons pas pu sauver leurs vies physiques, nous devons maintenant sauver, mais aussi promouvoir, diffuser et jouer leur musique, parce qu’elle parle de la vie, et c’est ce que nous devons transmettre aux générations futures. »

Holocaust remembrance day 2024

La cérémonie officielle de commémoration a aussi inclus une performance musicale sur un violon utilisé dans le camp d’Auschwitz-Birkenau et un récital de Kaddish par le chanteur d’opéra David Serero.

La commémoration de 2024 a été organisée en partenariat avec la Fondation Istituto di Letteratura Musicale Concentrazionaria, la USC Shoah Foundation et le Mémorial de la Shoah

Elle a été rendue possible grâce au généreux soutien des Délégations permanentes de l’Allemagne, de la Belgique, de l’Italie et de Monaco auprès de l’UNESCO et de la Fondation pour la mémoire de la Shoah. 

L’UNESCO remercie également le Musée de l’Holocauste de Montréal et l’association We are the tree of life pour leur soutien important.

Comment l’art transforme la manière dont nous vivons avec la douleur et dont nous commémorons l’Holocauste

Les commémorations de cette année incluaient aussi l’exposition multimédia « Blue Skies » de l’artiste belge Anton Kusters. Celui-ci a passé six années à photographier des ciels bleus vides au-dessus de camps de concentration et d’extermination nazis en Europe, dans des lieux où des millions de personnes ont été assassinées, mais dont il reste peu de traces physiques aujourd’hui. Ces lieux de persécution ont été exploités de 1933 à 1945 (pendant 4 432 jours) dans le cadre d’un système fortement organisé d’emprisonnement, de travail forcé et de meurtre. 

Les 1 078 photos de ciels bleus de Kusters étaient accompagnées d’une installation sonore de 4 432 jours réalisée par l’artiste Ruben Samama, « The Tracking of One Thousand and Seventy-eight Blue Skies », qui génère pour chacune des victimes des camps un son unique. La vidéo muette en boucle « There is Nothing Here » (Il n’y a rien ici) de Kusters entrant et sortant des sites nazis de persécution révèle l’absence inquiétante de vestiges tangibles dans ces lieux. 

Avec ce projet, commissionné par Monica Allende, Anton Kusters invitait le public à réfléchir à la manière dont nous rendons compte du passé, dont nous vivons avec la douleur et dont nous choisissons de préserver la mémoire, près de 80 ans après la fin de l’Holocauste. Les Délégations permanentes de la Belgique et de l’Allemagne auprès de l’UNESCO, qui ont généreusement soutenu le projet « Blue Skies », ont organisé son vernissage au Siège de l’UNESCO le 24 janvier en présence de l’artiste.

Comment l’enseignement de l’Holocauste va au-delà des salles de classe

Les commémorations de 2024 ont aussi mis en lumière l’urgence de préserver les sites historiques de l’Holocauste restants afin d’assurer le devoir collectif de mémoire. Le 25 janvier, au cours d’une cérémonie spéciale au Siège de l’UNESCO, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Macédoine du Nord, le Monténégro, la Serbie et la Slovénie ont signé un accord historique en vue de l’installation d’une nouvelle exposition permanente dans le Bloc 17 du Mémorial et Musée d’Auschwitz-Birkenau. La Directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay, sera la dépositaire de cet accord.

Holocaust remembrance day 2024

Autrefois connu sous le nom de « pavillon yougoslave », l’espace d’exposition présentera l’histoire de l’Holocauste dans la région. Il sera conçu par l’architecte primé Daniel Libeskind, en partenariat avec le Herman Family Trust. 

Comment l’UNESCO a commémoré l’Holocauste en ligne

L’UNESCO, les Nations Unies, l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste, l’OSCE/BIDDH, le Conseil de l’Europe et la Commission européenne ont apporté leur soutien au nouveau volet de la campagne numérique commune #ProtégeonsLesFaits, qui lutte contre la négation et la déformation de la Shoah. L’UNESCO a également rejoint la campagne mondiale #WeRemember organisée par le Congrès juif mondial (WJC) et a participé à l’initiative de commémoration organisée par TikTok.