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Préservation numérique des langues autochtones : À l’intersection de la technologie et de la culture

Le programme The Missing Scripts vise à préserver la diversité des langues du monde et à sauvegarder les écritures autochtones, assurant ainsi leur existence dans le monde numérique. En lien avec la Décennie internationale des langues autochtones (IDIL 2022-2032), présenté lors de la Conférence mondiale de l’UNESCO sur l’éducation culturelle et artistique (WCCAE) de février 2024 à Abou Dhabi, Émirats arabes unis.
Digital preservation of Indigenous languages

The Missing Scripts est né du constat que près de la moitié des écritures du monde n’existent pas dans les plateformes numériques. Parmi elles, des écritures anciennes, parfois indéchiffrées, mais aussi un grand nombre d’écritures minoritaires ou autochtones toujours en usage. Délaissées par l’industrie numérique, ces écritures, ainsi les langues qu’elles représentent, sont menacées d’extinction. Comment remédier à cela ? Il s’agit dans un premier temps d’encoder ces écritures, c’est-à-dire les normaliser en attribuant à chaque signe un identifiant numérique : c’est la tâche que remplit le standard universel Unicode depuis le début des années 1990. 

Mais l’encodage d’une écriture ne suffit pas, il faut aussi développer des méthodes de saisie telles que les claviers, de garantir leur prise en charge par différents systèmes d’exploitation, et bien sûr créer des polices de caractères appropriées. La conception de ces « fontes numériques » nécessite une expertise particulière : il s’agit d’un travail complexe, mené en collaboration avec des experts (linguistes, développeurs) et des scripteurs-locuteurs. C’est la mission que mène l’Atelier national de recherche typographique (ANRT), au sein d’une école d’art publique, pour permettre à ces écritures d’être accessibles sur ordinateurs et smartphones. Cette approche plaide ainsi en faveur d'une éducation artistique interdisciplinaire qui rejoint technologie, art, culture et typographie. 

Il s’agit là d’un enjeu essentiel d’autonomisation numérique. En effet, sans encodage, il est non seulement impossible de publier ou d’échanger des textes, mais aussi de constituer des jeux de données indispensables aux technologies actuelles (traduction automatique, reconnaissance vocale, machine learning, IA, etc.). Il était donc naturel que le projet The Missing Scripts rejoigne la Décennie internationale des langues autochtones, initiée par l’UNESCO afin d'attirer l'attention du monde entier sur la situation critique de nombreuses langues autochtones. Le Plan d’action mondial de la Décennie internationale des langues autochtones prévoit l’instauration de conditions favorable à l’autonomisation numérique, à l’accès à l’information et aux technologies linguistiques, ainsi qu’à la création artistique dans les langues autochtones. En ce sens, le projet The Missing Scripts s’inscrit directement dans le cadre des produits proposés dans le Plan d’action mondial, qui contribuent à élargir l’utilisation fonctionnelle des langues autochtones. 

Le 14 février 2024, l’événement « Arts numériques et inclusion culturelle : Naviguer à l'intersection de la technologie, de l'identité et du dialogue » s’est déroulé en parallèle des sessions thématiques de la Conférence mondiale de l’UNESCO sur l’éducation culturelle et artistique (WCCAE). Les intervenants ont présenté plusieurs initiatives en matière d’éducation artistique, et de création numérique axées sur le patrimoine immatériel.  Parmi eux, Thomas Huot-Marchand, directeur de l’ANRT, a présenté la Décennie internationale des langues autochtones, et en particulier les travaux de l’ANRT, laboratoire de l’École nationale supérieure d’art et de design de Nancy, France. Fondé en 1985, cet Atelier accueille chaque année des étudiants-chercheurs du monde entier. L’un de ses programmes phares, The Missing Scripts, est développé en partenariat avec le Script Encoding Initiative (Univesity of California, Berkeley) et l’Université des sciences appliquées de Mayence (Allemagne) depuis 2016.

Du 13 au 15 février 2024, au Centre national des expositions d'Abou Dhabi, Émirats arabes unis se tenait la Conférence mondiale de l’UNESCO sur l’éducation culturelle et artistique. L’événement a rassemblé près de 1 000 acteurs de la culture et de l'éducation, parmi lesquels 90 ministres, et 125 représentants des États membres de l'Organisation. À la clôture de la conférence, les États membres de l'UNESCO ont adopté à l'unanimité un nouveau Cadre mondial pour l'éducation culturelle et artistique, qui prévoit notamment de mieux valoriser le patrimoine et les cultures autochtones.