School in South Sudan

Histoire

Comment un expert collecte les données pendant les crises pour améliorer les résultats d’apprentissage au Soudan du Sud

Au Soudan du Sud, dans ce pays ravagé par la guerre civile, l’insécurité alimentaire et les catastrophes naturelles, des millions de personnes ont été déplacées, ce qui crée des obstacles majeurs pour l’éducation des enfants et des jeunes. Parmi les près de 2,2 millions d’enfants non scolarisés, beaucoup sont confrontés à des défis supplémentaires, tels que le manque d’accès aux soins de santé et les traumatismes psychologiques, ce qui rend la poursuite de l’éducation difficile.

Au vu de ces circonstances, Giir Mabior, Directeur des données et des statistiques au ministère de l’Éducation générale et de l’Instruction, œuvre inlassablement avec son équipe afin que les enfants les plus vulnérables aient accès à une éducation de qualité au Soudan du Sud. Sa mission est de recueillir des données cruciales nécessaires à la transformation des résultats scolaires de ces jeunes vies. Pour ce faire, ses collègues et lui-même doivent surmonter des défis extraordinaires pour atteindre les écoles et les enseignants.

Le pouvoir des données : renforcer la résilience de l’éducation en temps de crise

« Rien ne peut être fait sans se référer aux données » explique Mabior, qui gère le système d’information sur la gestion de l’éducation (SIGE) du Soudan du Sud. Des données fiables, précises et à jour sont indispensables pour identifier les besoins, cibler les interventions et élaborer des politiques fondées sur des données probantes.

Le besoin de données fiables est au cœur du travail de Mabior concernant le projet Renforcer les systèmes et les données des systèmes d’information et de gestion de l’éducation (SIGE) pour une résilience accrue aux crises dirigé par l’UNESCO avec le soutien de L’éducation ne peut pas attendre (ECW), NORCAP et de l’Association suédoise de coopération internationale au développement (SIDA). Ce projet vise à apporter une différence dans un pays longtemps enlisé dans des crises prolongées, grâce à l’amélioration holistique de ses pratiques de gestion et de collecte de données sur l’éducation.

Par le biais de cette initiative lancée en 2019, l’UNESCO et ses partenaires mettent en œuvre des interventions spécifiques de chaque pays afin de rendre les SIGE plus sensibles aux crises, et les populations déplacées plus visibles dans les données sur l’éducation. Interrogé sur le besoin le plus pressant auquel répond ce projet, Mabior mentionne la formation des enseignants : « ... Dans les situations de conflit, de nombreux enseignants qualifiés ont décidé de partir vers des zones plus sûres (telles que des camps de réfugiés), laissant ainsi les zones en conflit sans enseignants (correctement formés). Il est donc essentiel que les enseignants qui restent sur place soient mieux formés (à fournir des données précises) dans les zones d’urgence. »

Surmonter les obstacles pour la collecte de données cruciales

Dans des contextes complexes comme celui du Soudan du Sud, les collecteurs de données se donnent souvent beaucoup de mal pour assurer la collecte de données opportunes et précises. Cela exige d’eux qu’ils se rendent dans des régions reculées du pays, desservies par des infrastructures lourdement sous-développées. Réfléchissant à la transition de la collecte manuelle à la collecte de données numériques en 2021, Mabior déclare : « Cela a été très difficile... nous utilisions des tablettes, ce qui obligeait les recenseurs à se rendre dans chaque école et à remplir les formulaires avec les enseignants. S’il manquait des informations, ils devaient attendre ou revenir le lendemain, voire deux jours plus tard. »

Ayant lui-même réalisé plusieurs exercices de collecte de données de recensement de l’éducation, Mabior connaît également bien les défis uniques liés à la géographie, le fait par exemple de devoir échapper à une faune prédatrice et de traverser des régions frappées par des catastrophes naturelles. « (Une fois), je n’ai pas pu traverser une rivière parce qu’il y avait un hippopotame au point de traversée. J’ai dû emprunter un autre itinéraire, et il m’a fallu près de quatre heures pour atteindre l’école et quatre heures supplémentaires au retour. J’ai passé tout ce temps et pourtant je n’ai pu collecter que les données d’une école ce jour-là » a déclaré Mabior. Un autre événement s’est produit lors du recensement de 2021 : « À la suite (d’inondations), beaucoup d’animaux sauvages, y compris des crocodiles, cherchaient aussi à échapper aux inondations. Mon collègue était parti collecter des données, mais alors qu’il était en chemin, on l’a informé qu’un léopard attaquait des gens. À cause de ça, les données de cette école n’ont pas été collectées.

Outre les obstacles logistiques, le processus de collecte de données peut aussi impliquer de surmonter des conditions périlleuses et décourageantes dans les zones de conflit. « Mon collègue est tombé dans une embuscade, mais heureusement pour lui, pendant qu’il parlait, les membres du groupe armé local se sont aperçus, à cause de son accent qui était différent, qu’il n’appartenait pas à cette communauté (ciblée par le groupe armé) ... Toutefois, son motocycliste était de cette communauté et ils ont insisté pour le retenir, permettant à mon collègue de partir. Celui-ci a insisté sur le fait qu’il ne serait pas moralement juste d’abandonner son pilote. Ils sont restés deux heures à négocier jusqu’à ce qu’enfin, ils soient autorisés à partir tous les deux » a déclaré Mabior.

Ouvrir la voie au changement : l’impact de l’amélioration des données sur l’éducation

Malgré les défis, des progrès majeurs ont été réalisés. Mabior note : « Depuis que l’équipe du SIGE a reçu une formation à l’analyse et au partage de données, nous avons remarqué une forte amélioration car nous sommes maintenant en mesure de rendre compte des données sur les migrations, qui incluent les rapatriés et les réfugiés, dans l’annuaire des données du Soudan du Sud. » Il ajoute : « Nous avons également fait des progrès en intégrant l’ensemble de données sur l’éducation qui était fragmenté et en le consolidant sur une plate-forme unique. »

Cette visibilité accrue, dans le SIGE du Soudan du Sud, de populations marginalisées telles que les personnes déplacées à l’intérieur du pays et les réfugiés, permettra une compréhension plus complète des effets des crises, ouvrant la voie à une action mesurable de la part des partenaires, des gouvernements et d’autres parties prenantes pour combler les lacunes. Mabior est l’une des personnes sur le terrain qui libère le potentiel de transformation des données éducatives pour créer un avenir meilleur pour les enfants et les jeunes du Soudan du Sud.