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À l'horizon | Les langues autochtones : des passerelles vers la diversité culturelle mondiale

À l'horizon | Les langues autochtones : des passerelles vers la diversité culturelle mondiale

« La langue est indissociable de notre manière d’être, de nos pensées, de nos sentiments, de nos joies et de bien davantage. C’est à travers notre langue que nous montrons qui nous sommes. Si notre langue disparaît, c’est tout le fondement socioculturel de notre communauté de locuteurs qui est mis en péril. » – Maria Virginia Haoa, à propos de la langue Rapa Nui.

Alors que 2022 marque le début de la Décennie internationale des langues autochtones, un nombre inquiétant de langues – dont une majorité de langues autochtones – sont menacées dans le monde entier. Une étude publiée en décembre 2021 par l’Université nationale australienne (Australian National University - ANU) tire la sonnette d’alarme sur l’avenir de la diversité linguistique, soulignant que sur les 7 000 langues reconnues dans le monde – dont 6 000 sont des langues autochtones – près de la moitié sont actuellement en péril, et 1 500 d’entre elles en grave danger. Dans ce contexte, l’Atlas mondial des langues de l’UNESCO, dévoilé en novembre dernier, constitue un instrument en ligne complet qui permet de surveiller la diversité linguistique dans le monde grâce à des indicateurs multidimensionnels, d’effectuer un suivi des langues en danger et de promouvoir le multilinguisme.

La préservation des langues autochtones, en tant que réservoir de diversité et composante essentielle de l’identité collective et individuelle, apparaît comme un impératif éthique indissociable du respect de la dignité de l’individu. Lorsqu’une langue autochtone est perdue, non seulement les connaissances accumulées par la communauté de ses locuteurs disparaissent, mais la diversité culturelle et biologique de la planète se voit également compromise. La sauvegarde de la diversité des langues est essentielle à la protection de la diversité culturelle et biologique, comme l’affirme la Déclaration universelle de l’UNESCO de 2001 sur la diversité culturelle. Celle-ci élève la diversité culturelle au niveau de « patrimoine commun de l’humanité », « aussi indispensable à l’humanité que la biodiversité l’est à la nature ». C'est en pratiquant leur langue que les personnes transmettent leurs valeurs culturelles à leurs enfants et exercent pleinement leurs droits et leur dignité humaine.

Inséparables des langues autochtones, les cultures autochtones, qui incarnent la relation intrinsèque entre la culture et la nature, sont également menacées d’extinction, comme l’argumente l’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones. La discrimination systémique subie par de nombreuses communautés autochtones au fil de l'histoire, ainsi que la mise en œuvre de politiques culturelles et éducatives assimilationnistes dans certains pays ont entravé la sauvegarde de leurs cultures et de leurs langues. La marginalisation économique et sociale des communautés autochtones, qui représentent 6,2 % de la population mondiale mais aussi 15 % des personnes en état d’extrême pauvreté, ainsi que leur accès inégal à l'éducation, en particulier à l'éducation multilingue, ont bouleversé la transmission et la pratique continue de leurs connaissances et de leurs expressions culturelles. Reflet de cette inégalité, 47 % de tous les membres des peuples autochtones employés n'ont pas bénéficié d’une éducation, contre 17 % chez leurs homologues non autochtones. De même, la perte d'accès à la terre, aux territoires et aux ressources naturelles, découlant en grande partie d’une réglementation insuffisante de la propriété collective et de l'utilisation des terres autochtones, a gravement affecté les cultures et les identités autochtones, qui sont caractérisées par leur lien profond avec leur environnement naturel et humain. La différence majeure en termes d’espérance de vie, qui peut atteindre environ 20 ans de longévité en moins pour les populations autochtones du monde entier, atteste également du risque d’extinction culturelle. Un exemple dramatique de cet état de fait est le décès de nombreuses personnes âgées autochtones. en raison de la pandémie de COVID-19 au cours des deux dernières années, elles n’ont pas pu transmettre leurs connaissances aux jeunes générations

Les connaissances, le savoir-faire et les valeurs véhiculés par les langues et les cultures autochtones sont essentiels pour orienter la planète vers plus de durabilité. La contribution des connaissances autochtones à l'action climatique, à la biodiversité, à la sécurité alimentaire, à la gestion des terres et de l'eau ou à la santé est incontestée dans le monde entier. Ces connaissances jouent un rôle d’une importance capitale alors même que nous entrons dans la dernière décennie d'action de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. S'exprimant lors du récent lancement de l'Atlas mondial des langues de l'UNESCO, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, Francisco Cali Tzay, a déclaré que « les langues autochtones jouent un rôle essentiel dans la définition de la relation des peuples autochtones avec la Terre-mère, dans la préservation de leur territoire , dans la transmission de leur vision du monde, science, histoire et culture , ainsi que dans l'éradication de la faim grâce à la sauvegarde de l'intégrité des systèmes alimentaires autochtones ».


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Ancrer les droits culturels des peuples autochtones dans les politiques publiques

La création en 2000 de l’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones, en qualité d’organe consultatif des Nations Unies, a marqué une étape importante de la reconnaissance des peuples autochtones et de leurs revendications. Elle accorde notamment une importance particulière à la culture et à l'éducation dans ses six domaines principaux. Chargée d'examiner les questions autochtones liées au développement économique et social, à la culture, à l'environnement, à l'éducation, à la santé et aux droits de l'homme, l’Instance permanente fournit un avis d'expert et des recommandations au Conseil économique et social, ainsi qu'aux programmes, fonds et agences des Nations Unies. L’Instance a publié un grand nombre de recommandations et de rapports sur la culture au cours des dernières années. Parmi les domaines abordés, on peut citer en particulier la documentation et le rapatriement des objets de cérémonie et des restes humains, la nécessité d’établir des systèmes de propriété intellectuelle sur mesure pour protéger les connaissances autochtones et les opportunités économiques en lien avec la culture, et l'importance des connaissances traditionnelles dans une optique de résilience et d’atténuation des risques de catastrophe.

La culture figure en bonne place dans la Convention n° 169 relative aux peuples indigènes et tribaux de l’OIT (1989) et dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (UNDRIP), qui sont les deux principaux instruments internationaux encadrant les droits des peuples autochtones. Adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies en 2007, suite à la nomination d'un rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones en 2001 par la Commission des droits de l'homme, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones est le texte le plus complet jamais élaboré concernant les droits des peuples autochtones. Il accorde aux droits collectifs une importance sans précédent dans la législation internationale relative aux droits de l'homme.

La Déclaration a été traduite dans près de 60 langues, dont la plupart sont autochtones. La Déclaration établit notamment la notion de droits culturels des peuples autochtones, tant individuels que collectifs. Les droits culturels englobent notamment les principes de non-discrimination et d’autodétermination culturelle, le droit des communautés à pratiquer et à transmettre leurs traditions et leurs langues, ainsi qu’à protéger et rapatrier le cas échéant leur patrimoine et leurs objets, y compris les objets de culte et les restes humains, la protection par la propriété intellectuelle de leurs savoirs traditionnels et de leurs expressions culturelles, le droit de ne pas subir une assimilation forcée et de pouvoir accéder à leurs terres et à leurs sites culturels, ainsi que le droit d’entretenir une coopération culturelle transfrontalière au sein des communautés. Dix-sept des quarantecinq articles de la Déclaration traitent de la culture autochtone et expliquent comment la protéger et la promouvoir. Le rapport des peuples autochtones à leurs terres, à leurs territoires et à leurs ressources est au cœur de leur identité, de leur bien-être et de leur culture, et fait l’objet du dernier volume de la série intitulée « L’état des peuples autochtones du monde » (The State of the World’s Indigenous Peoples en anglais). La culture est considérée comme indissociable de la nature et des pratiques sociales qui y sont liées. Elle constitue un pilier des droits des peuples autochtones.

Cependant, les cadres de politique publique nationale n'ont pas systématiquement integré les instruments internationaux de manière à incorporer les droits culturels des peuples autochtones, y compris le multilinguisme. Par exemple, seuls 15 % environ des peuples autochtones vivent dans les 23 pays qui ont ratifié la Convention de l'OIT relative aux peuples indigènes et tribaux (n°169). En d’autres termes, une majorité des peuples autochtones ne bénéficient toujours pas de la protection de la Convention. La reconnaissance constitutionnelle des droits linguistiques et culturels des peuples autochtones est inégale, bien qu’il existe des modèles institutionnels solides. Au Mexique, les droits culturels et linguistiques des peuples autochtones sont explicitement reconnus non seulement dans la constitution nationale, mais aussi dans les constitutions régionales de 28 des 32 États fédéraux. De même, les constitutions de l’État plurinational de Bolivie (2009) et de l’Équateur (2008) ne se contentent pas de reconnaître les peuples autochtones, mais visent à construire un État basé sur les valeurs de toutes les nations présentes sur son territoire. Elles adoptent plusieurs principes autochtones : l’Équateur soutient le « sumak kawsay » (la bonne façon de vivre), tandis que la constitution bolivienne reconnaît 36 langues officielles autochtones. Le Pérou a largement institutionnalisé la participation des peuples autochtones à la prise des décisions de politique publique, y compris les politiques culturelles, par le biais de sa loi générale sur la consultation. En Europe, le peuple Sami fait partie des quelques rares peuples autochtones à posséder son propre parlement reconnu par les gouvernements de Suède, de Finlande et de Norvège, et couvrant également les politiques culturelles.

La région Asie-Pacifique compte la plus forte proportion de peuples autochtones (70,5 %), suivie de l'Afrique (16,3 %), de l’Amérique latine et des Caraïbes (11,5 %), de l’Amérique du Nord (1,6 %) et de l’Europe et de l’Asie centrale (0,1 %).

Mise en œuvre de la convention n° 169 de l'OIT relative aux peuples indigènes et tribaux : Vers un avenir inclusif, durable et juste (2020)

Dans de nombreux pays, les lois et politiques s’appliquant aux cultures et aux langues des peuples autochtones sont dispersées entre différentes institutions, avec pour résultats une faible influence et une participation limitée des peuples autochtones. Seulement cette année, le Canada a adopté la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qu'il a saluée comme « une étape-clé dans la revitalisation des relations du gouvernement du Canada avec les peuples autochtones ». Certains pays d’Amérique latine ont récemment renforcé leur modèle institutionnel, notamment à travers l’Institut national des peuples autochtones mexicain (Instituto Nacional de los Pueblos Indígenas - INPI), créé en 2018. Un autre pays, le Chili, a présenté un projet de loi visant à créer un ministère. En Afrique, l’Ouganda a progressé dans ce domaine grâce au Code des politiques culturelles sur les droits souverains, récemment Los Muertos Crew/Pexels.com promulgué.

Langue et savoirs traditionnels : un lien inextricable

Pourtant, malgré quelques progrès graduels en faveur des droits culturels des peuples autochtones, une étude de 2012 réalisée par le Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones (MEDPA) - qui fournit au Conseil des droits de l'homme une expertise et des conseils sur les droits des peuples autochtones. - déplore « la situation inquiétante des langues autochtones », citant par exemple la perte ou la quasiextinction de 205 des 250 langues qui existaient en Australie avant la colonisation européenne il y a 3 siècles. On estime qu’une langue disparaît dans le monde toutes les deux semaines : c’est toute une vision du monde, tout un système de connaissances, de pratiques et de savoir-faire qui disparaissent ainsi. Les langues des peuples autochtones sont généralement parlées par une minorité d’individus au sein d'un pays. Par le passé, elles ont été soumises à des politiques assimilationnistes, phénomène qui se perpétue encore aujourd’hui. Il existe souvent une relation étroite entre les cultures et les langues des peuples autochtones et leur environnement physique et spirituel. En outre, l’urbanisation résultant de pressions économiques ou de déplacements forcés peut séparer les peuples autochtones des terres où leurs langues et cultures sont pratiquées. Il existe pourtant des exemples : loi sur la langue maorie de Nouvelle-Zélande de 1987, reconnaissance par la Constitution marocaine de 2011 de la langue tamazight comme langue officielle aux côtés de l’arabe, loi canadienne sur les langues autochtones de 2019, politique nationale de 2021 du Pérou relative aux langues autochtones, à la tradition orale et à l’interculturalité à l’horizon de 2040. Ces lois consacrent la notion d’éducation bilingue interculturelle, mais les langues autochtones ne sont souvent pas reconnues officiellement dans la législation et la politique, ou le financement nécessaire à leur revitalisation est insuffisant. L'usage des langues nationales dans les systèmes éducatifs fait également obstacle à la transmission des langues autochtones dans les écoles.

La Décennie internationale des langues autochtones, dirigée par l'UNESCO, est l’occasion d’intensifier la généralisation de la diversité culturelle et linguistique en l’intégrant dans les initiatives de développement durable. À la suite des progrès réalisés au cours de l’Année internationale des langues autochtones 2019, l’Assemblée générale des Nations Unies a invité l’UNESCO – en s’appuyant sur son mandat pluridisciplinaire – à diriger cette décennie d’action, en coopération avec le système des Nations Unies, en particulier avec le Département des affaires économiques et sociales (DAES) et le HautCommissariat aux droits de l’homme (HCDH). Le travail de l’Organisation est guidé par sa Politique sur l'engagement auprès des peuples autochtones de 2017 qui s’aligne sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (UNDRIP). L’objectif de la Décennie est de garantir le droit des peuples autochtones à préserver, revitaliser et promouvoir leurs langues, notamment grâce à l’élaboration de politiques et à un dialogue multipartite, mais aussi à améliorer la transmission et la sauvegarde des cultures autochtones. Les orientations stratégiques, les considérations thématiques et les lignes directrices de mise en œuvre de la Décennie sont reprises dans la Déclaration de Los Pinos, avalisée en février 2020 à Mexico sur l’impulsion du Mexique, et dans le Plan d'action mondial.

Les langues autochtones et les connaissances connexes sont liées intrinsèquement à la préservation de la diversité biologique et culturelle, car elles favorisent une approche systémique de la culture et de la nature. De nombreuses visions du monde autochtones transcendent les distinctions entre science et culture, ou esquivent les frontières entre patrimoine culturel, patrimoine naturel et patrimoine culturel immatériel. Par exemple, dans la langue Lakota en Amérique du Nord, le mot « Mitákuye Oyás’iŋ » signifie « tout est lié » ou « tous mes proches », qu’ils soient humains ou non-humains. Ces systèmes de connaissances, à égalité avec les disciplines scientifiques, sont essentiels au développement durable. Faisant écho à cette reconnaissance, le Système de savoirs locaux et autochtones de l’UNESCO œuvre depuis 20 ans à intégrer ces connaissances aux forums contemporains internationaux sur la science, la politique et la société, sur des questions telles que la biodiversité, le changement climatique et la préparation aux catastrophes. De même, la Convention de 2003 de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel reconnaît la riche diversité du patrimoine vivant et la contribution de ce patrimoine à la vitalité, à la vigueur et au bien-être des communautés, permettant ainsi aux peuples autochtones de façonner le discours international sur le patrimoine et de faire reconnaître leurs expériences et leurs besoins

“La raison majeure de l'état déplorable des langues autochtones est le fait que les peuples autochtones sont eux-mêmes menacés” Militante pour la défense des droits des peuples autochtones, Minnie Degawan (Kankanaey-Igorot, Philippines)

Faire entendre sa voix : Les langues autochtones dans l’enseignement et dans les espaces culturels

L’éducation est l’outil essentiel pour préserver les langues autochtones et les savoirs traditionnels, tout en constituant un droit humain fondamental. Les peuples autochtones doivent pouvoir accéder aux droits liés à l'éducation tels qu’ils sont définis dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, dans la Convention internationale des droits de l'enfant des Nations Unies (1989) et dans la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l'enseignement 1960 de l’UNESCO. Le développement de programmes d’éducation et de manuels de formation interculturels et bilingues est essentiel pour permettre la transmission systémique des connaissances et protéger les cultures autochtones. L’éducation multiculturelle et multilingue est appelée à voir son importance renforcée dans le cadre de la révision en cours de la Recommandation sur l’éducation pour la compréhension, la coopération et la paix internationales et l’éducation relative aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales de 1974 de l’UNESCO. La recherche a démontré que l’enseignement traditionnel du savoir autochtone aux enfants permet de préserver les cultures des communautés, réduit le taux d’abandon scolaire, contribue à résoudre les problèmes disciplinaires et impulse la croissance économique. L’éducation autochtone adopte une approche globale afin de permettre aux enfants de s’adapter et de répondre aux défis et aux exigences du monde d’aujourd'hui.

L'UNESCO promeut le droit à l’éducation et en particulier l’éducation dans la langue maternelle, y compris les langues autochtones, ainsi que la transmission intergénérationnelle du patrimoine culturel immatériel par le biais d’une éducation tant formelle que non formelle. Selon le Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones (MEDPA), une éducation de qualité des peuples autochtones se définit comme « une éducation disposant de ressources suffisantes, sensibilisée sur le plan culturel, respectueuse du patrimoine, de l’histoire, de la sécurité et de l’intégrité culturelles, et englobant les droits de l’homme et le développement communautaire et individu ». Ces critères n’ont malheureusement pas souvent été respectés. Parmi les exemples concluants, citons la politique nationale d’enseignement bilingue du Paraguay de 1994, ainsi que les incubateurs linguistiques, qui fonctionnent comme une crèche, les membres les plus âgés de la communauté assurant la garde des enfants tout en leur parlant leur langue. D'autres exemples peuvent être relevés en Nouvelle-Zélande, au Canada, à Hawaï, en Australie, en Finlande ,en Fédération de Russie et aux États-Unis.. Au Nicaragua, l’UNESCO a soutenu les communautés Mayangna de la réserve de biosphère de Bosawá. Le projet a eu recours à l’éducation interculturelle bilingue pour les peuples autochtones afin d’adapter le programme scolaire à leur contexte culturel, en élaborant un matériel pédagogique rédigé en langue mayangna et en enseignant la connaissance de l’environnement de la communauté, tout en construisant un capital social et culturel. Le Xtaxkgakget Makgkaxtlawana : le Centre des arts autochtones et sa contribution à la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel du peuple totonaque de Veracruz, au Mexique, transmet les connaissances traditionnelles (poterie, textile, peinture, art de guérir, danse traditionnelle, musique, théâtre et cuisine) en langue totonaque

Les musées sont de plus en plus souvent appelés à jouer un rôle en première ligne pour lutter contre le détournement du patrimoine culturel autochtone. Malheureusement, plusieurs musées, privés et publics, détiennent et exposent des objets du patrimoine culturel autochtone sans le consentement des peuples concernés. La Recommandation de 2015 de l’UNESCO concernant la protection et la promotion des musées et des collections, leur diversité et leur rôle dans la société invite les États membres, lorsque les circonstances le justifient, à engager des dialogues sur la gestion et la restitution éventuelle du patrimoine entre les peuples autochtones et les musées en possession de collections les concernant. La Convention de l’UNESCO de 1970 concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels désigne les « peuples tribaux et autochtones ». La Convention d’UNIDROIT de 1995 sur les biens culturels volés ou illicitement exportés renforce ces dispositions. Dans la réalité, il est souvent difficile pour les peuples autochtones de recevoir protection et réparation lorsque leur patrimoine culturel, en particulier immatériel, est détourné, comme le souligne le Mécanisme d'experts. Pourtant, en 2020, le Musée national de Finlande a annoncé la restitution de 28 objets funéraires et de restes humains à quatre communautés autochtones des États-Unis sous l’égide de la Convention de l’UNESCO de 1970.

De façon générale, l’implication systémique des peuples autochtones dans le secteur culturel est essentielle pour construire un récit plus global et des sociétés plus inclusives. Des efforts sont entrepris pour stimuler la participation des communautés autochtones à la gestion des sites culturels et des musées, et plus largement à la conception et à la mise en œuvre des politiques culturelles, mais également pour garantir une représentation équitable des cultures autochtones dans les industries culturelles. Par exemple, l’actrice mexicaine et ambassadrice de bonne volonté pour les peuples autochtones de l’UNESCO, Yalitza Aparicio, s’est fait connaître pour son rôle dans le film Roma d’Alfonso Cuarón. Certains groupes autochtones font de plus en plus entendre leurs voix, soulignant notamment que leurs cultures ne doivent pas être perçues comme des reliques du passé, mais plutôt comme vivantes et dynamiques.

De nombreuses initiatives engagées aux niveaux national ou local ont pour objectif de revitaliser les pratiques culturelles autochtones. Dans le cadre de l'initiative financée par l'UE sur la gouvernance de la culture dans les pays en développement, au sein de la Convention de 2005 de l'UNESCO pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, un projet est développé par le Mexique pour adapter les politiques publiques afin de soutenir les médias indigènes et communautaires et d'incorporer le contenu indigène dans les médias publics et commerciaux. Le Fonds international pour la diversité culturelle a ainsi financé des projets pour soutenir les expressions créatives des peuples autochtones, qu’il s’agisse de former des jeunes à l’art du steel pan à Sainte Lucie ou de soutenir les jeunes cinéastes au Guatemala, d’aider des musiciens de la communauté San de Namibie à accéder aux marchés mondiaux ou de renforcer les livres électroniques sur les peuples autochtones au Brésil. De plus, les médias et les technologies de l’information peuvent constituer des outils efficaces pour la revitalisation des langues autochtones. Le moteur de recherche Google dans la langue Maori de Nouvelle-Zélande et le projet de dictionnaire en ligne Cree figurent parmi les exemples à cet égard. Reconnaissant l’importance de la radio communautaire, le Programme international pour le développement de la communication (PIDC) de l’UNESCO a financé une trentaine de projets porté par des représentants des populations autochtones depuis 2000. En outre, l’UNESCO soutient en moyenne cinquante stations de radios communautaires sur une période budgétaire de deux ans.

Les gardiens silencieux de l’environnement

Les peuples autochtones sont en première ligne face au changement climatique, et à la perte de biodiversité qui lui est associée, la dégradation de l’environnement naturel ayant un impact dévastateur sur leur mode de vie. Les tendances sont alarmantes : le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) de 2021 a lancé un « code rouge pour l’humanité » et le rapport sur la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) de l’UNESCO de 2019 souligne qu’environ 1 million d’espèces animales et végétales sont désormais menacées d’extinction, souvent dans les prochaines décennies. Les peuples autochtones, en particulier ceux vivant sur des petites iles, dans les déserts ou dans la région arctique, ont été gravement affectés par le changement climatique. L’Accord de Paris de 2015 reconnait que l’action climatique doit « être fondée sur et guidée par […] les connaissances des peuples autochtones et les systèmes de connaissances locaux », tandis que la Convention sur la diversité biologique de 1992 invite les Etats parties à « respecter , préserver et maintenir les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales qui incarnent des modes de vie traditionnels présentant un intérêt pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique ». Il est toutefois reconnu que la mise en œuvre effective demeure inégale.

Les savoirs traditionnels, qui constituent un ensemble vivant de connaissances développées, entretenues et transmises au sein d’une communauté, font partie intégrante de l’identité culturelle et spirituelle autochtone. Ils englobent les savoir-faire, les compétences, les innovations et les pratiques, ainsi que les expressions culturelles traditionnelles, notamment les danses, les chants, l’artisanat, les dessins, les cérémonies ou encore les contes.

Les pasteurs nomades Foulani de la région du Sahel au Tchad observent les conditions météorologiques et la floraison des végétaux pour prédire les pluies et anticiper les déplacements de leurs troupeaux tandis que pendant des siècles, les agriculteurs autochtones des Andes ont réussi à prédire la prochaine saison des pluies et les conditions d’El Niño en observant l’amas stellaire des Pleiades. Les savoirs traditionnels continuent à innover et à s’adapter, ce qui est le fait de cultures dynamiques et vivantes. Par exemple, les pêcheurs du Vanuatu ont incorporé des filets en nylon dans leurs techniques de pêche traditionnelles, tandis que les cônes traditionnels en arbre gothi des pêcheurs des iles Salomon utilisent désormais un moteur. De même, le peuple Siã Shanenawa, en Amazonie brésilienne, utilise des drones et l’intelligence artificielle pour lutter contre la déforestation.

Les peuples autochtones sont souvent mieux positionnés que la science traditionnelle pour observer et comprendre les écosystèmes et fournir des informations sur la biodiversité locale et le changement climatique. Par exemple, les Vanua Navakavu, dans les iles Fidji, ont répertorié les noms vernaculaires de plus de 1000 espèces sur une période de 50 ans. Depuis 1999, les pasteurs mongols qui observent les « torgnii hee boro » (pluies de broderie de soie) ont signalé la dégradation des pâturages due à des changements dans la qualité et la répartition des pluies, alors que les données scientifiques ne montrent aucun changement significatif pour la même zone sur la même période. Les agriculteurs tongiens utilisent leur calendrier traditionnel pour décider quand planter et récolter et leurs observations des changements météorologiques sont cruciales pour comprendre les impacts du changement climatique et adapter les réponses des politiques publiques. En Sibérie, les éleveurs de rennes Nenets ont collaboré avec la NASA pour étudier les conditions météorologiques : la NASA a fourni des images satellites, tandis que les éleveurs ont fourni des observations sur les conditions météorologiques et les pâturages. Les connaissances ancestrales de navigation dans le Pacifique et les fascines à poissons traditionnelles (pièges constitués de branchages entrelacés qui dépendent des marées) sont également employées pour la surveillance de la biodiversité des océans et du changement climatique, notamment dans le cadre de la Décennie des Nations unies pour les sciences océaniques au service du développement durable, dont la mise en œuvre est confiée à l’UNESCO. Pour faire le lien entre la Décennie des sciences océaniques et les langues autochtones, la Communauté du Pacifique (SPC) plaide en faveur du rôle des langues autchtones dans la transmission des sciences océaniques au travers du Centre communautaire du Pacifique pour les sciences océaniques – un pôle de connaissances sur les sciences océaniques pour les gouvernements et les communautés – et par le biais d’un accompagnement du Bureau du commissaire de l’océan Pacifique.

Alors que les peoples autochtones possèdent, occupent, ou utilisent un quart de la surface mondiale, et on estime qu’au moins 1,65 milliard de peuples autochtones et de membres de communautés locales vivent dans des zones importantes pour la conservation de la biodiversité, qui abritent 80 % de la biodiversité mondiale restante. Un rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et du Fonds pour le développement des peuples autochtones d’Amérique latine et des Caraïbes (FILAC) a révélé qu’environ 45% des forêts intactes du bassin amazonien se trouvaient dans des territoires autochtones. Dans la première version du Cadre mondial pour la biodiversité post-2020 de la Convention sur la diversité biologique (CDB), les groupes de défense des droits de l’homme soulignent que l’objectif de sauvegarder 30% de la biodiversité mondiale d’ici 2030 ne doit pas entraîner le déplacement des communautés locales.

Un volume croissant de connaissances atteste aujourd’hui de la contribution des peuples autochtones à la gestion des terres. Le peuple Dayek de Bornéo, en Indonésie, et les Karen de Thaïlande utilisent des pratiques traditionnelles de rotation des cultures pour régénérer de vastes étendues de forêt touchées par l’exploitation commerciale. Une publication conjointe de l’UNESCO, parue en 2017 et intitulée « Connaissances sur nos terres et nos ressources » (Knowing our Lands and Resources en anglais), documente également des exemples de gestion autochtone des terres en Asie, notamment le rituel Begnas de la municipalité de Sagada, au nord des Philippines, les pratiques de conservation des forêts de la communauté autochtone Kaani des forêts de Kanyakumari, en Inde, les connaissances autochtones des Qanats (aqueducs) dans la réserve de biosphère de Tangsayad-Sabzkouh, en Iran, et la gestion des pâturages dans le paysage sacré du Kailash, au Népal. Reposant en partie sur des données attestant du rôle que les groupes autochtones jouent dans la protection de l’environnement, une décision de la Cour suprême de justice du Panama édictée en novembre 2020 a conduit à la création officielle d’un comarque (comarca en espagnol), soit un territoire autochtone protégé, au bénéfice du peuple Naso Tjër Di. La publication de l’UNESCO de 2018 intitulée Savoirs autochtones et changement climatique met en lumière d’autres expériences.

Les communautés autochtones jouent un rôle croissant dans la gestion durable des sites naturels, culturels ou mixtes du patrimoine mondial. L’intégration des paysages culturels comme catégorie de biens du patrimoine mondial dès 1992 a élargi les conceptions du patrimoine, comme l’illustrent la réinscription du « parc national de Tongariro » en Nouvelle-Zélande en 1993 et du « parc national d’Uluṟu-Kata Tjuṯa » en Australie en 1994, pour leurs valeurs culturelles, conformément aux souhaits des détenteurs aborigènes traditionnels. En 2018, l’UNESCO a lancé le Forum international des peuples autochtones sur le patrimoine mondial en vue de renforcer le dialogue avec les peuples autochtones et veiller à ce que les politiques publiques respectent leurs droits.Le respect des droits des peuples autochtones est de plus en plus intégré dans les plans de gestion des sites du patrimoine mondial, comme en témoigne le site des cercles mégalithiques de Wanar, au Sénégal, ou encore la Réserve de faune à okapis, en République démocratique du Congo. Par ailleurs, un partenariat récent a également été mis en place sur le site du patrimoine mondial des Lagons de Nouvelle-Calédonie, en France, dans le cadre de « l’Initiative Récifs résilients », avec des responsables coutumiers de huit chefferies de l’île qui se sont engagés à utiliser des méthodes durables de pêche à la tortue, conformes à leurs coutumes mais aussi soucieuses de la préservation des espèces menacées d’extinction.

Les connaissances traditionnelles contribuent également à la résilience des communautés autochtones - en particulier concernant la sécurité alimentaire - face à la dégradation de l’environnement, comme le montre une étude de l’UNESCO de 2012 intitulée « L’Incertitude autour de l’érosion : connaissances traditionnelles pour l’évaluation et l’adaptation au changement climatique » (Weathering Uncertainty: Traditional Knowledge for Climate Change Assessment and Adaptation en anglais). Cette publication a montré que les agriculteurs locaux et autochtones de Bolivie, de Chine et du Kenya qui, au fil des siècles, ont conservé différentes variétés de cultures, ont été capables de passer à des variétés plus résistantes au vent, aux parasites et à la sécheresse lorsque les impacts du changement climatique ont commencé à affecter leurs récoltes. Les Systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial (SIPAM) de la FAO soulignent l’importance de la gestion et de l’utilisation traditionnelles des ressources pour assurer la sécurité alimentaire et des moyens de subsistance face à la variabilité climatique et aux risques naturels. En témoigne l’agriculture andine au Pérou qui illustre la capacité d’adaptation et le niveau de connaissances des agriculteurs par rapport à leur environnement. Les Andins, particulièrement, depuis plus de 5 000 ans, ont lié de manière intrinsèque savoir-faire agricole et organisation sociale, une interaction reflétée par des propres normes et rituels culturels tels que l’hommage à la « Pachamama » (terre mère) et aux « apus » (des dieux locaux représentés par les collines, les montagnes, les rivières et les phénomènes atmosphériques).

L’Organisation mondiale de la santé (OMS), de même que certaines études internationales sur la santé, valorisent de plus en plus la medecine traditionnelle et sa contribution à l’ODD 3 (santé). Pendant la pandémie, les communautés autochtones, dont l’accès aux centres de santé demeure très inégal, ont combattu les symptôme de la Covid19 avec leur médecine traditionnelle. En Amérique latine, par exemple, les guérisseurs autochtones associent souvent une vaste pharmacopée à des pratiques rituelles pour rétablir conjointement l’équilibre corporel et spirituel, comme l’a noté le Comité international de bioéthique de l’UNESCO (CIB) dans un rapport publié en 2013 sur l’éthique de la médecine traditionnelle. Les Yanomamï du Venezuela ont des noms pour 50 espèces d’abeilles qui fournissent du miel pour la nourriture ou la médecine. La Jambi Huasi (Maison de santé) d’Otavalo, en Équateur, propose des services de soins en langue quechua, tandis que parmi les plus grandes richesses du monde en matière de santé, on compte les connaissances sur les valeurs thérapeutiques d’environ 980 espèces de plantes dont disposent les guérisseurs itinérants Kallawaya, qui pratiquent des techniques médicales ancestrales en Bolivie. L’inscription sur les listes du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO du yoga (Inde), de l’acupuncture et de la moxibustion de la médecine traditionnelle chinoise ou des traditions et pratiques associées aux Kayas (Kenya) démontre également une reconnaissance croissante des systèmes de santé traditionnels.

La sécurisation des cadres de propriété intellectuelle, tant individuels que collectifs, demeure essentielle pour éviter l’utilisation abusive ou le détournement des connaissances autochtones, comme en témoignent les cas de plus en plus nombreux d’exploitation de ces connaissances sans le consentement ou le bénéfice des détenteurs de savoir, notamment par l’industrie pharmaceutique, du tourisme, de la mode ou encore de l’alimentation. Cette question était déjà inscrite dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui stipule que ces derniers ont le droit de conserver, contrôler, protéger et développer leur propriété intellectuelle liée au patrimoine culturel, aux connaissances traditionnelles et aux expressions culturelles traditionnelles. Le Comité intergouvernemental de la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques, aux savoirs traditionnels et au folklore, créé en 2000 par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), a servi de forum pour discuter des questions de propriété intellectuelle qui se posent dans le contexte de l’accès aux ressources génétiques et du partage des retombées, ainsi que de la protection des savoirs traditionnels et des expressions culturelles traditionnelles ; un instrument juridique international connexe est actuellement en cours de négociation. Toutefois, si cet instrument juridique reconnaît la propriété intellectuelle autochtone, il met l’accent sur la propriété intellectuelle individuelle et les brevets liés aux produits, plutôt que sur la propriété collective détenue par les communautés. Des cadres réglementaires adaptés sont ainsi nécessaires pour prendre en compte la spécificité des cultures autochtones et lutter contre l’appropriation illicite. La Convention de 2003 de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, dont les concepts et outils opérationnels s’appuient sur les détenteurs et les communautés, promeut explicitement l’appropriation collective des expressions culturelles par les communautés, offrant ainsi une plateforme pour explorer davantage les questions liées à la propriété intellectuelle collective.

Les peuples autochtones – dépositaires de connaissances, de pratiques, de visions du monde, de sagesse et de patrimoine – jouent un rôle fondamental au service du développement durable, en tant que gardiens de pans entiers de la diversité biologique et culturelle, ce qui appelle toutefois une protection de leurs droits. A cet effet, la DDPA appelle à la participation des peuples autochtones à toutes les décisions qui affecteront leur vie, à travers leur « consentement préalable, libre et éclairé », à l'adoption par les États de mesures efficaces pour combattre et éliminer la discrimination à l'égard des peuples autochtones, ainsi qu'à la reconnaissance de leur droit à maintenir leurs caractères distinctifs leurs propres visions du développement économique et social, afin de sauvegarder leurs cultures.

« He Waka Eke Noa » - Nous sommes tous dans le même canoé. (Proverbe Māori)

La protection et la promotion des langues et des cultures des peuples autochtones posent, pour les États, la nécessité d’engager pleinement ces derniers et de les reconnaître dans leurs Constitutions, leurs lois et leurs politiques publiques. Au niveau national, l'élaboration de politiques culturelles pour et avec la collaboration des peuples autochtones requiert une approche globale et à plusieurs niveaux, englobant un large éventail de dimensions, allant de la préservation et de l'utilisation des langues autochtones à la sauvegarde des pratiques du patrimoine vivant, en passant par la protection du patrimoine culturel autochtone (y compris les territoires et les objets) et la promotion des expressions culturelles autochtones. Si certaines régions ont fait des progrès, reconnaissant la diversité culturelle et ethnique au sein des pays, notamment par le biais de l'harmonisation des cadres juridiques et institutionnels, les politiques publiques tardent encore à répondre de manière adéquate aux préoccupations concernant la sauvegarde des cultures autochtones, ce qui est préjudiciable au développement durable de ces communautés. Il conviendrait de développer des approches participatives pour soutenir l'autodétermination culturelle, notamment en incluant des pratiques, protocoles et normes éthiques autochtones dans les mécanismes de sauvegarde du patrimoine, en soutenant les inventaires participatifs du patrimoine culturel, ainsi que la coopération transfrontalière au sein d'une même communauté.

Par ailleurs, il est urgent de renforcer la transmission intergénérationnelle des connaissances autochtones, parallèlement à l'éducation formelle et au sein de celle-ci, à travers des systèmes et instruments éducatifs plus systémiques. Aujourd’hui, des efforts sont déployés pour intégrer les langues et les connaissances autochtones dans les programmes scolaires, ainsi que pour ancrer l'apprentissage au sein de la communauté, réaffirmant ainsi l'importance de la transmission. La prise en compte effective des connaissances, des visions du monde holistiques et des cultures des peuples autochtones dans l'élaboration des politiques, programmes, projets et pratiques en matière d'éducation, ainsi que la promotion de leurs visions, permettraient d'offrir des opportunités d'apprentissage significatives, équitablement accessibles et appropriées pour tous les peuples autochtones, comme le préconise le récent rapport Futurs de l'éducation de l'UNESCO, une attention particulière doit être accordée aux groupes prioritaires essentiels pour la transmission, notamment les femmes, les jeunes et les personnes âgées.

Les peoples autochtones ont exprimé leurs préoccupations au sujet des systèmes de propriété intellectuelle actuels, qui seraient insuffisants pour protéger les savoirs et les expressions culturelles autochtones de la sur-commercialisation, des usages inappropriés et de l’appropriation, notamment dans l’environnement numérique. Parmi les préoccupations formulées, figurent notamment la priorité accordée par les systèmes de propriété intellectuelle à la propriété individuelle au détriment de la propriété collective, le caractère aliénable de la propriété intellectuelle et l’incompatibilité des systèmes existants avec les lois et politiques coutumières des peuples autochtones relatives à leurs connaissances. Une vision élargie de la protection de la propriété intellectuelle pourrait permettre de protéger les cultures autochtones contre l’appropriation et permettre aux communautés de contrôler son exploitation commerciale et d’en bénéficier collectivement.

Les Conventions culturelles de l’UNESCO devraient être valorisées pour soutenir la reconnaissance effective et la contribution des cultures et langues autochtones dans leurs cadres légaux nationaux respectifs. Comme il a été recommandé lors du webinaire sur les politiques culturelles et les peuples autochtones organisé le 30 novembre 2021 par l’UNESCO, les Conventions culturelles doivent fournir une plateforme pour renforcer le dialogue entre les États membres et les peuples autochtones, à l’image du Forum sur le patrimoine mondial lancé par les peuples autochtones établi en 2018, Les dispositions spécifiques concernant la participation des peuples autochtones, telles qu’elles figurent déjà dans les Conventions de 1972 et 2003, pourraient également être renforcées au sein des autres conventions. L’impact des conventions culturelles sur les peuples et les cultures autochtones doit être évalué plus précisément, notamment en ce qui concerne la propriété intellectuelle, le déplacement forcé, la consultation et la participation systématique des communautés.

La Décennie internationale des langues autochtones est également l’occasion de renforcer les efforts de l’UNESCO pour soutenir le respect des droits des peuples autochtones, en particulier les droits culturels. Trente ans après le prix Nobel de la paix qui lui a été décerné, résonnent encore les mots prononcés en K’iche ‘ Maya (Guatemala) par le défenseur des droits de l’homme Rigoberta Menchù : « La paix ne peut exister sans justice, la justice ne peut exister sans équité, l’équité ne peut exister sans développement, le développement ne peut exister sans démocratie, la démocratie ne peut exister sans le respect de l’identité et de la valeur des cultures et des peuples ». Ces propos incluent, en particulier, l’identité et les cultures inestimables de tous les peuples autochtones.